
Entendre, recevoir la Parole de Dieu suppose une attitude ouverte, une capacité d’accueillir ce qui est différent, ce qui est tout autre. À nouveau le Christ nous incite à laisser nos peurs au vestiaire, à revêtir le vêtement de la vie nouvelle, le vêtement de la grâce, reçu au baptême, sortons-le au grand air, il est notre bouclier contre toutes les intolérances, contre tous les intégrismes.
Jésus s’adresse aux douze apôtres au moment de les envoyer en mission. Pour les y préparer, il leur a d’abord montré les difficultés qu’ils allaient rencontrer et les a appelés à ne pas craindre les persécutions qu’ils allaient endurer. Il les a prévenus de ce que l’annonce de l’Évangile pouvait apporter de conflits et de séparations au sein des familles : On aura pour ennemis les gens de sa maison (Mt 10,36).
L’appel de Jésus pour ses disciples est radical et absolu. Il établit ainsi une hiérarchie dans l’amour qu’on porte aux autres. Il est normal que les affections familiales soient plus fortes que les liens d’amitié. Mais, dit-il, elles doivent céder devant l’attachement à sa personne. Que veut-il signifier par-là ?
Existe-t-il des attaches plus fortes que celles qui relient à un père, une mère, un frère, une sœur ? Jésus l’affirme lorsqu’il laisse dehors sa mère et ses frères venus le trouver et qu’il déclare « Quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, c’est lui mon frère, ma sœur, ma mère » (Mt 12,50). Autrement dit, ce qui prime, c’est l’urgence du Royaume et les liens familiaux peuvent parfois dresser des obstacles à la pratique de l’Évangile.
L’absolu de Jésus s’exprime par l’appel à porter sa croix pour le suivre. Là encore, il faut expliciter. Il ne cherche pas à magnifier la souffrance en elle-même – il l’a d’ailleurs redoutée au moment de sa Passion : Mon Père, s’il est possible que cette coupe passe loin de moi (Mt 26,39). Porter sa croix signifie plutôt accepter les renoncements nécessaires pour la mise à sa suite ne soit pas entravée par aucun prétexte ou faux-fuyant. Et ainsi prendre ses responsabilités de disciple.
Suivre Jésus relève du paradoxe d’à la fois perdre et gagner. Perdre les avantages du confort d’une vie terrestre pour gagner les bénéfices d’une vie dans la plénitude de Dieu. Se refuser aux plaisirs égoïstes du monde pour accéder au bonheur d’être rempli de la présence divine. Et viser à une communion plus profonde avec Dieu dans le Christ.
Lorsqu’il parle d’accueil, Jésus va beaucoup plus loin que la tradition d’hospitalité chez les orientaux. Pour lui, l’envoyé est égal à celui qui l’envoie. Non pas en raison de sa personnalité, mais en vertu d’une mission, d’une fonction, d’une parole qui lui ont été confiées par Jésus et, à travers Jésus, par Dieu. Plus que l’hospitalité, l’accueil est attention et ajustement à la Parole transmise. On peut aussi penser à la fraternité d’un accueil qui reconnaît les situations et qualités de chacun – les prophètes, les justes.
L’accueil se concrétise dans les plus petites attentions envers les frères. Tout particulièrement au sein de la communauté des disciples, les plus humbles, les plus déshérités et peut-être les plus dépourvus à cause des persécutions qu’ils subissent. On peut s’étonner que l’appel à la charité de Jésus soit dirigé uniquement vers des chrétiens. Mais c’est en aimant ses frères de foi que le disciple est stimulé à aimer tous les hommes.
Pratique l’accueil chrétien, c’est bien plus qu’offrir un verre d’eau fraîche. C’est découvrir en l’autre un reflet de la présence divine. Ne vaut-il pas la peine, pour une telle découverte, de quitter les sentiers battus et les liens qui emprisonnent ?