méditation sur le chas d’une aiguille

L’image du chameau et du trou de l’aiguille est proverbiale. Elle interpelle à la fois sur l’accès à la vie éternelle et sur le rapport à la richesse. Elle se situe dans l’évangile de Matthieu pendant la montée de Jésus à Jérusalem. Il quitte la Galilée pour aller vers son destin et par deux fois, il a déjà annoncé sa mort et sa résurrection à ses disciples. Son enseignement en Judée, au-delà du Jourdain est constitué d’allers-retours entre des entretiens avec les pharisiens et des explications aux disciples.

Jésus vient d’être interpellé par un jeune homme riche : « Maitre, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? » (19,19). Sa réponse fait écho à son enseignement sur les deux voies : « Entrez par la porte étroite. Large est la porte et spacieux le chemin qui mène à la perdition, et nombreux ceux qui s’y engagent ; combien étroite et resserré le chemin qui mène à la vie et peu nombreux ceux qui le trouvent » (7,13-14). L’exigence de Jésus est radicale – « Si tu veux être parfait, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi » (19,21) – et décourage le jeune homme, de même qu’elle provoque malaise chez les disciples.

La vie éternelle est souvent interprétée comme la vie après la mort. Mais elle représente beaucoup plus que cela, puisqu’elle est avant tout la vie en Dieu. Une vie en plénitude, qui est une immission de la vie de Dieu dans la vie des hommes, du temps de Dieu dans le temps des hommes. Beaucoup l’imaginaient comme une vie de bonheur et de prospérité dont la fortune était le signe ou la promesse. Cette dernière conception est déniée par Jésus, ce qui explique la tristesse du jeune homme et le désarroi des disciples.

Jésus s’adresse alors aux disciples pour préciser que le riche n’entrera pas facilement dans le Royaume de Dieu. Il met en garde contre l’obstacle que représente la richesse pour accéder à la vie en Dieu. Il ne fait pas cependant du dépouillement une règle de vie et il a lui-même fréquenté des hommes riches. Plutôt que condamner la richesse de manière absolue, il insiste sur la difficulté qu’elle présente parce qu’on peut en devenir esclave et qu’elle cache alors les vraies valeurs évangéliques.

Aux disciples déconcertés qui lui demandent « Qui donc peut être sauvé ? », Jésus répond « Pour Dieu, tout est possible ». Une affirmation de la puissance de Dieu qui traverse toute la Bible. Il est le Dieu qui rend la fécondité aux femmes stériles – telles Sarah (Gn 16) ou Élisabeth (Lc 1) –, qui protège son peuple contre l’envahisseur plus puissant et rétablit l’alliance avec son peuple infidèle (Jr 32), qui restaure le pauvre dans ses biens (Jb 42). Une promesse de salut qui est assumée en Jésus.

Face à l’interrogation de Pierre qui traduit l’appréhension des autres « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre : quelle sera notre part ? », Jésus élargit la perspective. L’univers entier sera régénéré et ce bouleversement entraînera une nouvelle échelle de valeurs. Il débutera par un jugement auquel seront associés les Douze. Les justes recevront alors leur récompense, ce qui ne signifie pas pour autant que tous les autres seront voués à la perdition. La promesse de régénération concerne tous les êtres humains, mais avec des renversements tels que « Beaucoup de premiers seront derniers, beaucoup de derniers seront premiers ».

Jésus pose clairement pour nous aujourd’hui la question de la vie éternelle : comment vivre notre vie en Dieu ? Il nous interpelle sur nos échelles de valeurs et leur conformité à l’Évangile. En particulier, nous pouvons penser à la place que nous accordons aux plus petits, aux plus humbles, aux pauvres dans notre société, la manière dont nous les mettons en avant dans l’esprit des Béatitudes.

De même, nous sommes appelés à nous interroger sur notre rapport à la richesse. Elle n’est pas mauvaise en soi, mais peut le devenir par l’usage que l’on en fait. L’utilisons-nous pour une répartition meilleure des biens et de la justice, ou pour l’accaparer au profit de notre seule puissance ? L’argent est-il pour nous un moyen ou un but ? Nous laissons-nous dominer par lui ?

Sommes-nous prêts, enfin, à nous laisser bouleverser par Jésus et à passer par un « trou d’aiguille », à nous épurer pour nous conformer à l’Évangile ? Sommes-nous disposés à prendre part à la grande aventure qu’il nous propose ? Pour être, avec lui, des acteurs du renouvellement du monde ?

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