
Merci à Alexis de nous partager cette méditation.
Quand il s’adresse aux Thessaloniciens, Paul écrit les premiers textes chrétiens.[1] On peut ainsi y lire les premiers appels de la foi chrétienne en son jaillissement, la première mise en lettres de la Bonne Nouvelle. L’apôtre n’est pas préoccupé d’abord par de grandes questions doctrinales, mais plutôt de manifester les sentiments de joie qu’il éprouve à l’égard d’une communauté qu’il a récemment fondée.[2] Il dispense également un enseignement sur les événements de la fin des temps. L’espérance du retour du Christ est la certitude qui ponctue tout son propos et qui fonde la condition chrétienne : le chrétien est l’homme de cette attente.
Les chrétiens vivent la résurrection du Christ comme les prémices de la résurrection des morts. Dans les temps apostoliques, le retour du Christ en gloire était attendu dans l’imminence. Beaucoup pensaient assister à l’événement de leur vivant. Se posait alors la question de la préséance avec ceux qui étaient déjà morts. Paul apporte une précision à ce propos : d’abord les morts, puis les vivants.[3] Il existe donc une certaine exubérance dans l’attente du Seigneur, que l’apôtre entend canaliser.
C’est pourquoi il aborde la question des temps et des moments du retour du Christ. Pas besoin d’en écrire d’avantage puisque le temps, selon l’enseignement constant des Ecritures,[4] appartient à Dieu et échappe aux hommes. Paul souligne et interprète la tradition prophétique du Jour du Seigneur,[5] qui sera le jour du jugement, et qui arrivera quand nul ne l’attendra. Personne ne pourra y échapper.
Paul reprend l’opposition jour-nuit, ténèbres-lumière, pour la travailler radicalement.[6] Les hommes sont ainsi divisés en deux catégories, les bons et les pervers, animés de deux esprits opposés. Les uns sont engagés dans la voie du mal qui mène à leur perte, tandis que les autres empruntent le chemin du bien, qui les conduit à la vie. Les croyants sont des fils de la lumière apportée par le Christ, ils sont tous sous son influence bénéfique et en sont profondément solidaires. Dieu les destine au salut, à la vie en plénitude dans le Christ. La colère de Dieu ne les concerne pas, ils doivent seulement être vigilants au retour de Jésus et mener une existence sobre. Paul veut apporter un apaisement aux angoissés d’une communauté vivant dans l’attente anxieuse du Seigneur. Une parole de réconfort que les croyants doivent avoir à cœur d’entretenir entre eux sans surenchérir dans l’anxiété.
Paul nous donne des conseils pour entretenir aujourd’hui en nous l’espérance du retour du Seigneur en menant une existence sobre et paisible, mais aussi en cultivant la vigilance. Nombreux sont ceux qui ont abandonné toute idée d’une venue en gloire du Christ. Trop de temps s’est écoulé depuis sa mort en croix. Dieu aurait-il abandonné les êtres humains dans leurs ténèbres ? Prétendre cela ne prend pas en compte la force de germination de la résurrection qui relève, non pas du temps linéaire des hommes, mais de l’éternité de Dieu dans la cyclicité des saisons et des âges. Le Christ est venu en prenant chair, il reviendra et il revient. Il reviendra quand sera consommé le temps du monde, mais il revient tous les jours dans nos vies. Apprenons à discerner les signes de sa présence parmi nous dans le sourire d’un enfant, le visage du pauvre, de l’exclu, de l’affamé de pain et de justice. Jésus revient pour nous chaque fois que leur regard croise le nôtre.
[1] Paul écrit la première lettre aux Thessaloniciens au début de l’année 51, soit une vingtaine d’années après la mort du Christ et quelques dizaines d’années avant la rédaction finale des quatre évangiles. Des récits oraux relatifs à la vie de Jésus ou à ses paroles circulaient dans les communautés qui ont vu naître les évangiles. Certains de ces récits ou de ces paroles étaient connus de Paul.
[2] L’apôtre s’était rendu à Thessalonique en 50, au cours de son deuxième voyage.
[3] Voici ce que nous vous disons d’après une parole du Seigneur : nous les vivants, qui seront restés jusque la venue du Seigneur, nous ne devancerons pas du tout ceux qui sont morts (1 Th 4,15).
[4] C’est lui qui fait alterner les temps et les moments ; il renverse les rois et il élève les rois ; il donne la sagesse aux sages et la connaissance à ceux qui savent discerner (Dn 2,21).
[5] Malheureux ceux qui misent sur le Jour du Seigneur ! A quoi bon ? Que sera pour nous le Jour du Seigneur ? Il sera ténèbres et non lumière. C’est comme un homme qui fuit devant un lion et que l’ours surprend ; il rentre chez lui, appuie la main au mur, et le serpent le mord. Ne sera-t-il pas ténèbres, le Jour du Seigneur et non lumière, obscur, sans aucune date (Am 5,18-20).
[6] Dans une opposition dualiste qui ne se retrouve pas aussi nettement dans les écrits vétérotestamentaires, mais bien dans les textes de Qumran.