
Les plus beaux chants d’espérance et de louange de Dieu s’élèvent dans les moments dramatiques de l’existence humaine. La puissance du Seigneur se déploie au plus intense des persécutions et vient triompher du mal. La gloire de Dieu se révèle dans toute sa splendeur devant les idolâtries. Ce que manifeste aujourd’hui la fervente prière d’Azarias au milieu du feu.
Le livre de Daniel[1] est profondément traditionnel, mais il envisage lucidement les problèmes posés par son temps de domination étrangère. Face aux civilisations païennes où foisonnent les dieux, où l’on rend un culte à leurs statues ou encore au roi, le monothéisme d’Israël s’affiche avec détermination. Il combat le paganisme, mais surtout il exalte la grandeur d’une foi pour laquelle on doit accepter parfois le risque de mourir. Le Dieu unique est maître du temps et de l’histoire et l’ange du Seigneur[2] intervient en personne pour sauver les croyants[3] et pour gouverner le monde conformément à l’accomplissement des desseins divins.
Le récit des trois jeunes gens dans la fournaise[4] exalte la fidélité des Juifs au vrai Dieu. Ils ne doivent pas craindre à s’exposer à la mort même, plutôt que de céder à l’idolâtrie. Ce que font les trois compagnons de Daniel, élevés avec lui à la cour du roi de Babylone. Sommés de se prosterner devant la statue d’or érigée par Nabuchodonosor, ils refusent de se soumettre et sont condamnés à être précipités dans une fournaise ardente. Alors que les agents de persécution sont atteints mortellement par le feu,[5] les martyrs sont épargnés et célèbrent Dieu en le bénissant.
Azarias se tient librement debout au milieu du feu et prie Dieu en proclamant sa louange.[6] La motivation de sa prière est un appel à la gloire de Dieu, à sa réputation,[7] mais aussi à la réalisation des promesses divines. Il sollicite la miséricorde de Dieu pour les fautes du peuple et l’appelle à ne pas répudier son Alliance par égard à sa parole de fécondité donnée autrefois.[8] Il rappelle la situation d’humiliation d’Israël en décrivant les dures conditions de captivité auxquelles il est confronté.[9]
La prière d’Azarias se fait cependant l’écho d’une espérance. L’offrande d’un esprit humilié[10] sera agréée au moins autant que les sacrifices animaux qui ne peuvent plus être faits, et la confiance du peuple ne l’écartera pas du chemin tracé par son Dieu.[11] Elle se termine dans une promesse de conversion des cœurs et un appel à l’indulgence et à la miséricorde de Dieu par la manifestation de sa gloire.[12]
Dans la fournaise des persécutions et des guerres, dans le feu des souffrances et des oppressions, notre humanité peut se dresser pour implorer la miséricorde de Dieu et bénir la densité de sa présence au milieu de ceux qui sont accablés. Il n’abandonne pas ceux qui se confient à lui en reconnaissant leurs manques. Un cri d’espérance résonne aujourd’hui dans la détresse de ce monde en désarroi.
[1] Daniel est présenté comme un prophète contemporain de la captivité de Babylone. C’est ainsi que le voit la tradition la plus ancienne. Une critique tardive (3° siècle de l’ère chrétienne) y voit un livre écrit au temps de la persécution d’Antiochus Epiphane (175-164) sous la domination hellénistique.
[2] Plus qu’une puissance spirituelle, l’ange du Seigneur se fait l’interprète de Dieu lui-même dans les situations où Dieu intervient directement, il représente le Seigneur lui-même, qu’un humain ne peut voir sans mourir.
[3] Ainsi pour sauver les trois jeunes gens dans la fournaise (Dn 3,49gr).
[4] Tout le chapitre 3 du livre de Daniel est consacré à cet épisode.
[5] La fournaise a été extraordinairement chauffée et les hommes qui jettent les trois condamnés dans le feu sont tués par la flamme (Dn 3,22).
[6] La prière d’Azarias nous est parvenue sous deux versions en grec, probablement d’un original hébreu. Il s’agit d’une pièce liturgique antérieure qui a été introduite par le rédacteur du livre de Daniel.
[7] A la manière des psaumes : Aide-nous, Dieu notre sauveur, pour la gloire de ton nom. Délivre-nous, efface nos péchés pour l’honneur de ton nom (Ps 79(78),9.
[8] En référence à la promesse faite à Abraham : Je m’engage à te bénir, et à faire proliférer ta descendance autant que les étoiles du ciel et le sable de la mer (Gn 22,17).
[9] Qui peuvent s’appliquer à la captivité du peuple à Babylone, mais aussi au temps d’Antiochus Epiphane.
[10] Le sacrifice voulu par Dieu, c’est un esprit brisé ; Dieu ne rejette pas un cœur brisé et broyé (Ps 51(50),19).
[11] Aucun de ceux qui t’attendent n’est déçu, mais ils sont déçus, les traîtres avec leurs mains vides (Ps 25 (24),3).
[12] Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom rends gloire, pour ta fidélité, pour ta loyauté (Ps 115(113b),1).