
Voici la méditation pour ce dimanche que nous propose Alexis.
Jésus semble donner raison à un escroc et même être admiratif. Le maître de la parabole fait preuve d’une clémence surprenante envers le gérant malhonnête de ses biens. On peut faire la comparaison avec ceux qui éludent l’impôt ou fraudent parfois de manière éhontée le fisc, au point de mettre à mal la solidarité mutuelle. D’où l’incompréhension devant l’apparente opacité de l’évangile.
Déjà à l’époque, des voix s’élevaient pour dénoncer les gens habiles à léser les faibles en spéculant sur les ressources ou en faussant les étalons de mesure. Et Jésus a toujours œuvré en faveur des humbles et des pauvres. Pourtant, la filouterie de ce gérant indélicat n’est pas condamnée, et il est même donné en exemple. Alors, peut-on se faire des amis ou gagner notre paradis avec l’argent malhonnête ?
Il ne faut cependant pas se tromper, Jésus ne fait pas la louange de l’injustice racontée dans la parabole, mais plutôt de la faculté d’adaptation dont fait preuve le gérant quand il sent le vent tourner. L’homme était à bout de ses roueries et allait être mis à la porte. Il a su prendre rapidement les décisions qui lui permettaient de se garantir un avenir, et c’est cela que Jésus trouve remarquable.
D’où la leçon qu’il tire de la parabole : Faites-vous des amis avec l’argent. Autrement dit, puisque cet argent est si souvent l’occasion d’abus et d’injustices, au point qu’il le qualifie d’argent trompeur, mais que, de toute façon, il est impossible de s’en passer, il faut en tirer son parti. Et qu’au moins les disciples l’utilisent à bon escient, pour la bonne cause, et qu’il leur serve à se faire des amis.
C’est le sens de la charité que nous pratiquons.[1] Notre attrait pour les biens matériels compromet notre avenir avec Dieu, alors ne lésinons pas et qu’ils nous permettent de nouer des relations de service. Se faire des amis avec l’argent, c’est peut-être venir en aide à ceux qui sont dans le besoin, répartir nos richesses pour le bien commun. Nous suivons ainsi la leçon du Maître, par exemple au cours de nos quêtes dominicales, qui servent, au moins en partie, à subvenir à des besoins urgents chez nous et dans le monde. Nous mettons alors notre argent au service de Dieu et de son règne.
Se mettre au service de Dieu, c’est d’abord privilégier les pauvres. Ce qu’a toujours fait Jésus, en les mettant en avant, à la première place, lui qui, dans les Béatitudes, les a déclarés bienheureux. Mais en même temps, de manière réciproque, il a proclamé les riches malheureux, parce qu’ils ont déjà reçu leur récompense. Sans doute parce que seul le partage des pauvretés permet de grandir en humanité et ouvre la porte du Royaume de Dieu.
Mais pour autant, Jésus ne condamne pas l’argent en tant que tel. L’argent n’est pas une valeur, du moins morale, il est un moyen, un instrument. Ce n’est pas un mal en soi, il permet de grandes initiatives et peut servir à des belles réalisations. Mais il peut aussi conduire à humilier et exploiter, à spolier et à dépouiller le plus faible. L’argent devient alors le maître, une idole grimaçante et hideuse, une véritable insulte au Dieu d’amour.
La véritable habilité des fils de la lumière est celle qui transforme le tissu financier en réseau d’entraide et de solidarité. Pour entrer dans le Royaume de Dieu, il faut renoncer à l’idolâtrie de l’argent. Les bons gérants du Royaume font de la miséricorde divine le quotidien de leur existence. Un amour qui n’est jamais abstrait, mais réalité concrète dans les attitudes, les intentions, les comportements.
[1] Même si la démarche demeure toujours ambigüe, car nous recherchons le plus souvent à nous donner bonne conscience et nous induisons une relation de clientélisme et pas de respect de la dignité du pauvre. Il faut à cet égard garder à l’esprit la réflexion de Vincent de Paul : «Il faut toujours demander pardon aux pauvres de la charité que nous leur faisons» et rechercher la justice.
Merci Alexis pour cette belle réflexion. Lâargent est un bon serviteur mas un mauvais maître. Comme elle était heureuse la veuve de Sarepta !.
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