
Après une pause trop longue due entre autre à des problèmes techniques, je suis heureux de pouvoir à nouveau alimenter le site avec les homélies qu’Alexis nous partage. je vous souhaite un bel Avent.
L’Avent prépare la venue du Seigneur. Il vient à Noël dans la fragilité et la grâce d’un enfant. Il reviendra dans la gloire à la fin des temps. Dans l’entretemps de ces deux venues, il vient à notre rencontre dans le quotidien de notre humanité. Nous devons nous tenir prêts à tout moment et nous montrer vigilants à discerner les signes de sa présence dans notre existence.1 Mais la seule veille, si elle est nécessaire, n’est pas suffisante si elle ne s’accompagne pas d’une conversion radicale. Et singulièrement de fruits de conversion comme le proclame aujourd’hui Jean-Baptiste.
Cet homme haut en couleur, au parler rude, avec sa barbe hirsute et son vêtement en poil de chameau, n’hésite pas à bousculer ceux qui viennent à lui, y compris et surtout les personnages hauts placés. Qui apparemment en redemandent, puisque, comme le note Matthieu, ils venaient en grand nombre.
Son accoutrement, ses manières, sont celles du prophète Élie, dont le retour était attendu pour la fin des temps. Il est la voix qui prépare le chemin du Seigneur et qui annonce la réalisation des promesses messianiques : Le royaume des cieux est tout proche.
Le Baptiste prêche dans le désert. Détail à première vue curieux, car dans le désert, il n’y a généralement pas grand monde. Et pourtant, il attire les foules. Mais le désert est par excellence le lieu de la rencontre avec Dieu, où l’humanité peut désencombrer son espace de l’inutile, du superflu pour aller à la recherche de l’essentiel. Le désert est l’endroit où se constitue l’identité du peuple juif et se prépare la révélation.2 L’évangile signifie donc que la nation, nourrie par la Loi et les Prophètes, était en quelque sorte mûre pour la venue imminente du Messie.
Jean-Baptiste crie à qui veut bien l’entendre « Convertissez-vous ». Il prêche avec force une conversion radicale et véritable, qui produise du fruit. En substance, il dit à ceux qui viennent à lui : « Il ne suffit pas de vous faire baptiser pour être quitte. Votre condition de fils d’Abraham n’est pas suffisante. » Et l’héritage d’Abraham n’est pas un trésor matériel que l’on peut prétendre posséder une fois pour toutes.
Le baptême d’eau n’est qu’une étape dans la vie d’un homme. Il lui reste à se laisser habiter par le feu de l’Esprit. Autre chose qu’un petit toilettage de la conscience en reconnaissant ses manques. Mais un véritable retournement de la personne, qui entraîne un dynamisme nouveau. Les fruits de la conversion sont ceux d’un rapport renouvelé à Dieu.
Le baptême procure une grâce de salut. Il n’a rien d’un rite magique qui garantirait le ciel sans accueillir ou raviver cette grâce. C’est d’abord un chemin à suivre, une vie à construire, une relation de confiance à entretenir. On n’achète pas sa place pour entrer dans le Royaume de Dieu, c’est gratuit, mais il n’y a pas de passe-droit.
L’évangile n’hésite pas à mettre dans la bouche de Jean-Baptiste des mots évoquant des images fortes, celle de la cognée à la racine de l’arbre ou de la pelle à vanner séparant le grain de la paille. Les temps ne sont plus à l’hésitation, il faut trancher dans le tas, faire le tri entre l’utile et l’inutile. Se purifier dans le feu de l’Esprit Saint.
Matthieu s’adressait à des juifs convertis, baignant dans une culture biblique. Nos contemporains sont tout à fait étrangers à cela, et leur connaissance des Écritures est limitée. Que signifie alors encore pour nous cette histoire de Jean-Baptiste et son appel à la conversion ? En quoi est-ce Bonne Nouvelle pour nous aujourd’hui ? Mais notre société est-elle si différente de celle pour qui écrivait l’évangéliste ?
Notre monde est en tension entre un sentiment d’autosuffisance, dans la satisfaction de ses propres acquis techniques ou économiques, d’une part, et une attente floue d’une alternative, une perception diffuse d’être dépassé, largué par la technologie omniprésente, d’autre part. Par ailleurs, notre société est traversée de façon récurrente par les injustices, les guerres, l’individualisme, l’égoïsme, le mépris envers les faibles et les perdants. En nous rappelant l’exigence de la conversion, l’évangile nous engage à porter notre regard et notre cœur en avant, vers celui qui vient pour nous faire entrer dans son Royaume, pour instaurer une dynamique de justice, de paix et de concorde dans notre humanité. Un monde harmonieux où le loup pourra cohabiter avec l’agneau.
1 Veiller ou être éveillé est le thème du premier dimanche de l’Avent (Mt 24,37-44).
2 C’est au désert que Dieu se révèle à Moïse et à Elie. C’est là aussi que Jésus est poussé par l’Esprit pour y être tenté.