
Merci à Alexis Dehovre qui nous partage son homélie.
L’aveugle-né (Jean 9,1-41)
Tout est question de regard. Quel regard portons-nous sur les êtres, les événements ?
Parfois, ceux qui croient voir ne savent pas et ceux qui ne voient pas savent.
Échange de regard, donc. Mais avec un aveugle, il n’y a pas de réciprocité de regard. Pourtant …
Jésus vient manifester l’action de Dieu son Père, qui l’a envoyé. En guérissant l’aveugle de naissance, il sépare pour lui la lumière des ténèbres. Comme le fait Dieu à la Création : Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres (Gn 1,4).
C’est bien de séparation dont il s’agit : le jour de la nuit, la cécité de la vision, le péché de la guérison.
Jésus crache sur le sol et fait de la boue, Dieu crée l’être humain de la glaise : Alors le Seigneur Dieu
modela l’homme avec la poussière tirée du sol; il insuffla dans ses narines le souffle de vie; et l’homme devint un être vivant (Gn 2,7) .
Les gestes de Jésus sont des gestes de création, il donne vie à l’aveugle.
Jésus envoie l’aveugle : Va te laver à la piscine de Siloé (littéralement la piscine de l’Envoyé).
Et sans un mot, sans une question, l’homme y va et s’y lave. Implicitement, il reconnaît son besoin de se laver , de se purifier. Il reconnaît son aveuglement.
Quand il revint, il voyait. Tout est dit. Cela ne plaît pas aux pharisiens qui discutent, interrogent l’ancien aveugle et même ses parents. Ils ne voient en lui qu’un aveugle, donc un pécheur. Ils affirment savoir que Jésus est pécheur également. Mais, faille à leur raisonnement, ils ne savent pas d’où il est. Qui est aveugle ici ? L’aveugle voit en celui qui lui a ouvert les yeux quelqu’un qui honore Dieu et qui fait sa volonté. Et il est rejeté par les pharisiens, précisément parce qu’il porte sur Jésus un autre regard qu’eux. Le regard neuf de celui qui découvre la vie.
Jésus vient alors à lui pour lui poser la question de la foi : Crois-tu au Fils de l’Homme ?
À l ’aveugle qui lui demande qui est ce dernier, il répond simplement : Tu le vois. Autrement dit, non seulement tu vois, mais tu le vois, tu es invité avec un échange de regard avec lui, à entrer dans une relation d’amour, dans un rapport d’alliance. En répondant « Je crois, Seigneur » et en se prosternant, l’homme entre dans la démarche de reconnaissance. Il reconnaît en Jésus l’Envoyé, le Messie, celui qui manifeste l’action créatrice et aimante de Dieu. Il devient croyant.
Jésus est venu séparer la lumière des ténèbres. Il échange un regard avec l’humanité et changer les regards. Ceux qui sont aveugles voient, ceux qui voient sont aveuglés. Jésus révèle en fait le véritable aveuglement. Seul est véritablement aveugle celui qui, sûr de lui-même, croit voir, qui ne reconnaît pas avoir besoin de Dieu, de sa lumière et de son Envoyé. Celui qui ne croit pas avoir besoin de se laver, d’être purifié, est aveugle, et son péché demeure.
Les regards échangés, les conversations tenues aux abords de la piscine de l’Envoyé, ne conservent-elles pas tout leur mordant? Dans ce monde ténébreux, la parole de Dieu met en valeur l’illumination des commencements, l’espérance chrétienne. Il n’y a pas de fatalité, personne n’est irrémédiablement condamné. Qui se tourne avec humilité et confiance vers le Christ est dans la lumière de son amour.
Changeons de regard, nous verrons Dieu.
Alexis DEHOVRE