
Aujourd’hui, Jésus part. Il l’avait depuis longtemps annoncé, mais est-on jamais prêt au choc du départ ? Toute séparation creuse un manque, un vide pénible à combler. Quel sens dès lors à fêter son absence ? N’est-ce pas incongru, illogique ? Comment vivre le paradoxe de la présence dans l’absence ? Pourtant, ce départ n’est-il pas aussi un commencement et le célébrer, n’est-ce pas se réjouir de la confiance qu’il nous accorde ? Car en partant, il remet entre nos mains son témoignage, sa mission. Il fait place à nous pour que la Bonne Nouvelle se réalise au travers de nos vies. Il nous montre qu’il a besoin de nous.
Les récits de l’Ascension de Jésus sont discordants, tout au plus font-ils l’unanimité pour dire qu’il fut élevé au ciel. Une exaltation qui est inséparable de sa résurrection et signifie sa glorification auprès du Père. Ou encore que nous sont manifestés sa densité de présence, son retentissement et sa grandeur. Un mystère auquel nous participons, puisque le Christ nous précède et que là où il est, nous serons un jour, comblés de la plénitude de la présence de Dieu.
Matthieu, contrairement à Luc, ne situe pas l’événement à Jérusalem, lieu du salut, mais dans la Galilée des nations, une terre qui fait la jonction entre les mondes juif et païen. Jésus appelle donc les siens à se confronter avec le monde dans sa dimension universelle. Les Onze se rendent ainsi sur une montagne non précisée, qui peut suggérer celle de la Tentation ou celle de la Transfiguration. Ils ne s’y trouvent pas par hasard, puisque le Christ ressuscité les y a convoqués.
Le Ressuscité appelle les Onze, dont la foi n’est pas encore très assurée. Ils se prosternent – on ne se prosterne que devant Dieu – et – paradoxalement – ils doutent. Ils doutent comme Pierre qui, invité par Jésus à marcher sur l’eau, commence à s’enfoncer. Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? Mais notre foi est-elle plus parfaite que la leur et sommes-nous plus à la hauteur de l’appel qu’eux ?
Malgré cette insuffisance, Jésus donne mission à ses disciples, et à nous à travers eux. Il leur témoigne d’une remarquable confiance. D’abord, il s’approche d’eux, alors que d’habitude c’étaient eux qui allaient vers lui. Ensuite, il leur tient des propos inouïs : Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc. Ce pouvoir, qu’il détient de son Père, il leur en concède l’exercice. Ils auront la responsabilité de faire disciples toutes les nations.
Cette parole d’envoi, avec toute sa force impérative, retentit pour nous aujourd’hui. En célébrant la fête de l’Ascension, nous nous laissons nous-mêmes convoquer et envoyer par le Ressuscité. Le contenu de la feuille de route est précisé : faire des disciples, et pour cela, baptiser, enseigner, apprendre à garder les commandements. Il s’agit du baptême par lequel on est immergé dans la vie d’enfant de Dieu, de la catéchèse et de l’apprentissage d’une vie selon l’Évangile.
Au moment où il élevé vers le Père, Jésus inaugure avec nous un type de présence radicalement inédit : Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Il nous assure non seulement des dons qu’il nous fait ou d’une présence durable, mais aussi d’une assistance efficace dans le quotidien, dans nos difficultés, nos peines et nos tracas. Il nous prépare au don de l’Esprit.