
Donner sa chair à manger. Parole incompréhensible, intolérable, scandaleuse pour ceux qui écoutaient Jésus. Propos obscurs et provocateurs qui ont entraîné répulsion et abandon chez pas mal de disciples. Mais ce qui dans les Écritures choque, y est généralement inséré pour susciter la réflexion et inciter à la découverte de réalités essentielles. En l’occurrence le sens de la communion à Dieu et aux frères.
Communier signifie beaucoup plus que le processus individuel de recevoir le sacrement de l’Eucharistie. Le verbe provient du latin communicare (qui a donné communiquer) qui veut dire avoir part, partager, participer, être en relation avec. La communion est donc une mise en commun, un partage, une mise en relation. Il y a quelque chose d’insatisfaisant au fait de communier si on ne communie pas avec. On communie en entrant en relation avec Dieu, comme avec nos frères.
La foi conditionne la communion. Si la foi peut se passer du sacrement (ainsi la communion spirituelle ou de cœur que nous avons vécue pendant le confinement), le sacrement ne peut jamais aller sans la foi. La foi est déjà une première communion au Christ, qui doit précéder le rite sacramentel et est orientée vers lui, comme l’amour doit précéder l’acte d’amour et le faire désirer.
Jésus insiste sur la nécessité de communier à son Corps et à son Sang pour avoir part à la vie éternelle. Lui-même est le pain vivant. Par sa mort et sa résurrection, en se faisant nourriture pour les croyants, le Fils se donne tout entier pour nous faire vivre, pour nous partager la vie éternelle qu’il reçoit du Père. De même que moi je vis par le Père, dit-il, de même celui qui me mange vivra par moi (Jn 6,57). Nul ne peut se sauver sans lui, mais la vie qu’il nous apporte ne peut se passer de la communion spirituelle.
Jésus est le Verbe, la Parole qui était au commencement (Jn 1,1). Être en communion avec lui, c’est donc communier à la Parole de Dieu. Parole qui nous est donnée à manger, à ruminer chaque fois qu’elle est proclamée. Et l’Ange ne dit-il pas, au Voyant de l’Apocalypse, en lui donnant le petit livre : Prends et mange-le, il sera amer à tes entrailles, mais dans ta bouche, il aura la douceur du miel (Ap 10,9) ? Double aspect de la Parole, douceur à la recevoir en promesse de salut, âpreté d’en témoigner dans un milieu hostile. Parole de communion au Corps du Christ qui le rend présent à ceux qui l’entendent.
Communier signifie encore former un seul corps (I Co 10,17). L’eucharistie est signe efficace d’unité du Corps. Seul en est digne celui qui accepte de communier avec ses frères en Christ. Ainsi donc, que chacun s’éprouve soi-même avant de manger ce pain et de boire à cette coupe, car celui qui mange et boit sans discerner le corps mange et boit sa propre condamnation (I Co 11,28-29). Celui qui garde sa vie pour soi-même refuse de faire corps avec ses frères et se sépare du Corps, qui est le Christ. Communier suppose d’abord une réconciliation, une solidarité, un partage avec les frères.
La fête du Corps et du Sang du Christ est celle d’un Dieu qui se donne en nourriture et fait de nous son Corps. C’est la fête de la présence réelle du Christ dans l’assemblée réunie, dans la Parole proclamée, dans les espèces eucharistiques où il se donne pour nourrir en nous la vie.