
De quelle faim Jésus vient-il nous combler ? De même de quelle faim pouvons-nous combler nos frères ? Combler, cela veut dire remplir nos vides, nos trous, nos lézardes, nos manques, nos fragilités. Faim physique, peut-être, faim spirituelle certainement. Dans tous les cas, faim d’amour.
Le Dieu de la Bible pourvoit aux besoins essentiels de son peuple. Au désert, il donne la manne pour la faim, il fait jaillir la source d’eau du rocher pour la soif. Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! (Is 55,1) Il nous appelle au banquet de son Royaume et, à travers les images du vin, du lait et des viandes savoureuses, c’est la joie et la vie qu’il nous apporte. Il ne nous veut pas uniquement vivants, il nous veut rayonnants de bonheur.
La générosité de Dieu se manifeste dans l’abondance de ses dons. La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse pour toutes ses œuvres (Ps 144,9). Il nous invite à entrer dans sa dynamique du gratuit. Pour découvrir la richesse hors pair de l’amour que le Christ nous porte. Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ, notre Seigneur (Rm 8,39). Dieu aime dans la démesure. Rien n’est trop beau, trop bon, pour ceux qu’il comble de sa grâce. Cet amour, Dieu ne nous l’impose pas, il nous le propose. Le Père présente son amour dans des termes de nourriture et de repas. Et Jésus se montre pleinement le Fils du Père en donnant gratuitement aux foules le pain qui les fait vivre.
Entre désert et foule, enseignements et guérisons, se déroule la vie de Jésus. Et c’est dans un endroit désert qu’il distribue largement les dons de Dieu, qu’il partage les pains et les poissons. Le geste, réalisé dans ce cadre dépouillé, trouve ici sa pleine force. Il faut sans doute ce dénuement et ce silence pour s’ouvrir à la liberté, pour accueillir ces présents de manière tant soit peu lucide.
Quand il prend les cinq pains et les deux poissons, Jésus voit bien au-delà de ce que distingue la foule. Il voit son Père, son amour pour cette humanité rassemblée. Il lui rend grâce d’avoir créé tout cela pour répondre à ses besoins. Savons-nous suffisamment rendre grâce à Dieu, le bénir, pour tous les bienfaits qu’il nous procure, pour une table garnie d’aliments ?
Quand Jésus fait distribuer les cinq pains et les deux poissons, il signifie bien plus que la satisfaction des besoins physiques. Il annonce une autre nourriture qui viendra combler une autre faim. Un pain qui rassasiera le cœur et l’esprit des hommes, un pain de vie. Savons-nous voir dans notre pain de chaque jour l’annonce du pain eucharistique donné pour la vie éternelle ?
Au-delà des faims inavouées, découvrons les faims inexprimées, celles qui taraudent l’homme en secret, et faisons tout pour répondre à l’appel de celui qui nous dit « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». C’est d’un peu de chaleur humaine que les hommes ont besoin, et s’ils suivaient Jésus, ce n’est pas tant pour le pain que pour ce feu qui émanait de lui et leur faisait tant de bien. Réchauffons-nous nous-mêmes au Christ pour pouvoir communiquer un peu de sa flamme.
C’est avec ce que nous lui apportons, ces maigres cinq pains et deux poissons, que Jésus accomplit des miracles et répond en abondance aux besoins. Il ne multiplie que ce que nous lui donnons. Sans nous, il ne peut rien faire. Il respecte notre liberté. Il a trop de considération pour nous pour nous laisser sur la touche, en spectateurs. Il nous veut acteurs de notre propre vie. Arrêtons d’attendre des miracles sortis d’on ne sait où. Aujourd’hui, le vrai miracle est le partage de nos pauvretés, que Dieu transforme en surabondance. C’est en partageant nos maigres ressources que nous serons rassasiés !