
Merci à Alexis de nous partager cette méditation en ce jour de la transfiguration.
Il est difficile de se faire une image de la résurrection. Les mots pour le dire parlent de se relever, de se réveiller. Ils supposent une transformation de toute la personne. Peut-être la vie des insectes peut-elle suggérer une métaphore de ce que cela représente. Lorsque la larve devient adulte – la chrysalide qui devient papillon, la naïade qui se transforme en libellule – l’individu meurt à un mode de vie pour naître à un autre. Il opère une métamorphose, étymologiquement un changement d’une forme en une autre. On peut alors se représenter la résurrection comme une métamorphose de l’être matériel qui meurt pour se relever, se réveiller en un être spirituel, doté pourtant de propriétés matérielles.
Le terme grec qu’utilise l’évangile de Matthieu pour relater la transfiguration de Jésus, est précisément celui de métamorphose : « Il fut métamorphosé devant eux ». Un mot qui situe bien l’événement comme anticipation de la résurrection du Christ. L’évènement se déroule sur une haute montagne – lieu symbolique de la rencontre avec Dieu – en présence des disciples les plus proches de Jésus – Pierre, Jacques et Jean son frère – qu’il a amenés à l’écart des foules et des tracas qui sont leur lot quotidien. Aux disciples qui ne peuvent comprendre le chemin que veut suivre leur maître, Dieu fait entrevoir la gloire mystérieuse de son Fils et exige d’eux qu’ils écoutent son enseignement.
La caractéristique de la métamorphose est d’opérer une transformation totale de l’être, rendant celui-ci méconnaissable. Ainsi Jésus ressuscité n’est-il pas reconnu au premier abord par Marie-Madeleine, qui le prend pour le jardinier (Jn 20,15). De même la Transfiguration transforme Jésus en être de lumière. « Son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements blancs comme la lumière. » Il est paré des attributs de la gloire céleste accordée aux élus qui deviennent semblables aux anges.
Une manifestation de gloire dont viennent témoigner Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui, sans que l’objet de cet entretien soit mentionné. Moïse est celui qui a reçu les tables de la Loi de Dieu lui-même sur le mont Sinaï, tandis qu’Élie est le plus grand des prophètes d’Israël. Ce sont par conséquent la Loi et les Prophètes, toute l’ancienne Alliance qui témoignent ici pour venir augurer la nouvelle Alliance scellée dans la mort et la résurrection du Christ. Eux-mêmes possèdent cette gloire parce qu’ils ont été associés à l’œuvre de Dieu. Une gloire que Jésus possède ici avant sa résurrection, en préfiguration.
Les disciples vivent la situation comme une sorte de rêve éveillé. Ils n’ont pas les clés pour en découvrir la pleine signification, qui ne pourra leur être révélée qu’avec la résurrection de Jésus. Pierre est dans l’incompréhension et rêve de prolonger le moment furtif de la manifestation alors qu’elle prend fin. Ses paroles trahissent le désarroi, mais aussi la joie qui l’habitent, d’avoir ainsi pressenti la gloire de Jésus.
La scène se termine par une théophanie, une manifestation de Dieu qui apparaît traditionnellement dans la nuée. La voix venant de la nuée retentit. Au Baptême de Jésus, elle le signalait comme le Fils, à la Transfiguration, elle le désigne avant tout comme le Prophète que tout le peuple doit écouter. Elle s’adressait alors à Jésus, elle parle maintenant aux disciples, qui deviennent des fils choisis par Dieu.
Le silence des disciples quant aux événements qu’ils ont vécus signale, plus que leur incompréhension, la volonté de distinguer nettement le temps de la mission terrestre de Jésus, caractérisée par son enseignement et ses actions, et le temps après Pâques, où les apôtres proclameront son mystère.
La Transfiguration vient interroger notre foi. Quelle place la résurrection a-t-elle dans notre existence ? La Pâque du Christ vient-elle éclairer notre compréhension ? Comment se manifeste pour nous la gloire du ressuscité ? Sommes-nous participants à cette gloire ? Écoutons-nous la voix dans la nuée qui nous choisit à être des fils, héritiers du Royaume ? Écoutons-nous ce que nous dit Jésus dans son évangile ? Sommes-nous prêts à en témoigner ? Savons-nous voir dans le visage de notre frère la lumière éblouissante qui illuminait le visage du Christ transfiguré ?