
Les paraboles de Jésus font progresser dans la connaissance de son Royaume avec l’image traditionnelle de la Vigne du Seigneur. Il est ouvert à tous, même aux nouveaux venus, aux ouvriers de la onzième heure. Il est accessible à tous ceux qui se convertissent, tel le fils qui refuse d’abord, puis va à la vigne, ou encore aux publicains et aux prostituées qui ont répondu à l’appel de Jean-Baptiste. Mais il est refusé à ceux qui par convoitise ou par égoïsme refusent Jésus.
La parabole des vignerons homicides a pour cadre le Temple de Jérusalem où Jésus a fait son entrée. Il prodigue publiquement son enseignement et s’affronte aux autorités religieuses d’Israël. Une fois de plus, il met ces opposants devant leurs responsabilités. C’est maintenant ou jamais qu’il faut accueillir son message et sa personne, et entraîner tout le peuple à leur suite. Le peuple d’Israël ne leur appartient pas, il leur a été confié par Dieu, et celui-ci leur demande des comptes.
Dans un magnifique poème, le prophète Isaïe compare Israël à une vigne tendrement soignée par Dieu et qui, au lieu de beaux raisins, ne produit que des fruits infâmes. L’évangéliste Matthieu reprend cette thématique des fruits, qui ont peu à voir avec la viticulture. Ils symbolisent la conduite que Dieu attend de l’homme, les preuves concrètes de sa conversion, les actes de bonté révélant un cœur bon. Fruits de justice, de solidarité, de paix, de gratuité, de générosité, d’amour.
Dieu offre ces dons aux vignerons qu’il choisit pour faire prospérer sa vigne. La reconnaissance la plus élémentaire devrait pousser ces privilégiés à faire fructifier les dons reçus. Ces responsables du peuple, dit Jésus, ont privé Dieu des fruits attendus. Ils ont rejeté les prophètes qui leur ont été envoyés tout au long de l’histoire. Et en fin de compte, ils rejettent le Fils et le font mourir. C’est pourquoi le Seigneur de la vigne fera périr les criminels[1] et cédera la vigne à d’autres.
Le Seigneur suscitera une nouvelle collectivité humaine, l’Église, à qui il confiera de faire émerger et croître son Royaume. Et qu’il jugera de même en temps voulu en fonction de la qualité des fruits qu’elle produira. La parabole s’adresse donc aussi à nous, baptisés, et à tous les responsables d’Églises. Nos communautés se mobilisent-elle avec conviction pour vendanger des fruits de sainteté ? Se pourvoient-elles de moyens efficaces pour préserver l’œuvre de la Création ?
Le drame des vignerons de la parabole, celui de toutes les époques et donc aussi de nos contemporains, c’est de chercher à accaparer pour soi ce qui a été confié pour le bien de tous. Une soif de possession, de pouvoir, qui dénature tout, la relation aux autres et le rapport à Dieu. Le Seigneur donne à l’humanité l’usufruit, la jouissance gratuite et sans contrepartie de l’exploitation de sa vigne, il lui confie le bonheur du Royaume. Dieu s’investit totalement à notre égard, pour que nous portions les plus beaux raisins. Et souvent, par convoitise, nous compromettons la récolte en talant les fruits. L’égoïsme égare et entraîne trop fréquemment les esprits sur des chemins de mort.
Le Seigneur est le Dieu de la vie. Il veut la vie pour l’être humain. Même s’Il a souvent des raisons d’être déçu, il n’en continue pas moins opiniâtrement à croire en lui, à espérer et intervenir dans son existence, car il n’en continue pas moins à l’aimer. Celui qui accueille cet amour portera beaucoup de fruit.
[1] Matthieu fait ici allusion à la destruction de Jérusalem en 70 par les Romains.