
Le Magnificat est pure action de grâce. Il est chant d’allégresse émanant d’un cœur débordant d’amour qui fait monter vers le Seigneur la louange simple et confiante de la créature vers son Créateur. Marie confie ses dispositions intimes à l’heure de sa vocation de mère : son exultation paisible, son humilité, son émerveillement, sa reconnaissance éperdue, son adoration. Une prière de femme qui dit le mystère d’un Dieu qui s’engage depuis toujours et pour toujours dans l’histoire de l’humanité. Marie qui, de toute son âme, glorifie le Dieu de miséricorde, lequel, pour réaliser son dessein de salut, choisit les plus pauvres de ses serviteurs.
Marie vient de recevoir l’annonce qu’elle concevra de l’Esprit saint et propage la Bonne Nouvelle auprès de sa cousine Élisabeth. Celle qui porte la Vie ne considère pas son élection comme une fin en soi. Elle ressent l’irrépressible élan de faire partager la joie qui l’anime, de répandre autour d’elle l’espérance de salut qu’apporte celui qui se développe en son sein. Elle témoigne que là où germe la vie, là où l’Esprit repose, là où la joie éclate, c’est là que Dieu est à l’œuvre, qu’il est présent, vivant.
La louange et la joie de Marie s’élèvent, limpides et cristallines, vers celui qui en est la source. Une hymne pure, une action de grâce et de reconnaissance pour le regard d’amour que Dieu a posé sur son humble servante, pour les merveilles qu’il a opérées pour elle. Une prière de pauvre. Et c’est bien parce qu’elle possédait en elle cette pauvreté de cœur que le Seigneur s’est penché vers Marie et l’a appelée à devenir la mère du Messie. Son attitude toute emprunte de modestie, sa condition insignifiante lui ont valu les faveurs insignes de Dieu. L’originalité de la vie de Marie est d’avoir été comme tout le monde, mais de l’avoir été dans un maximum de foi, c’est-à-dire de réceptivité, d’ouverture, d’abandon confiant dans la volonté de Dieu. La sollicitude du Seigneur s’étend sur ceux qui savent leur misère, leur petitesse, qui prennent mesure de l’infinie distance qui sépare la créature de son Créateur. Sa préférence, sa prédilection pour les petits, les simples, se manifeste de toujours à toujours. Les orgueilleux, les nantis s’isolent dans leur superbe ; ils construisent eux-mêmes les murs qui les excluent de sa générosité, de son amour. Face à eux – devant ces appétits de puissance ou de possession qui gèlent toute réciprocité et coupent les ponts à tout don venu d’ailleurs – Dieu ne peut rien faire. Ou plutôt si : se souvenant de sa miséricorde infinie, qu’il promit à Abraham pour toutes les générations à venir, il continuera à engager son amour devant la liberté de l’être humain, jusqu’à faire de ce dernier une créature nouvelle.
Celui qui vit vraiment de sa foi, qui croit à l’accomplissement de ce que Dieu peut lui dire, qui se laisse pénétrer et travailler par l’Esprit devient, à l’instar de Marie, porteur de Dieu et témoin efficace de la vie qu’il nous apporte. Dieu désire visiter chacun de nous, il propose sa Parole à tous. À ceux qui ont cette humilité, ce dénuement de l’âme, il dévoile l’intimité de son être, dans une relation authentique, cœur à cœur avec lui.
Qu’est-ce que Dieu dit à notre génération ? Ou encore, croyons-nous réellement à sa Parole, discernons-nous les signes qu’il nous envoie ? Comment vivons-nous de Dieu, le portons-nous au point que toutes nos rencontres procurent une joie nouvelle, créent des cœurs et des esprits nouveaux ? Dieu est fidèle, lui. Mais trouvera-t-il pour sauver le monde de ses fausses grandeurs, de ses étroites suffisances, assez de servantes et de serviteurs, pauvres de cœur, affamés de justice, pour déployer en eux la force de son bras ?