
Ce dimanche,[1] Dieu appelle notre humanité. Avec la vocation de Samuel,[2] il nous appelle à nous lever pour son service. Avec la vocation des premiers disciples,[3] il nous appelle à nous mettre à la suite de son Fils et à le reconnaître comme Messie. Avec l’apôtre Paul,[4] il appelle les disciples à faire Corps dans le Christ. Bientôt,[5] débute la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Comment devient-on disciple de Jésus ? Comment les disciples sont-ils appelés à l’unité du Corps du Christ ?
L’appel des premiers disciples apparaît dans les quatre évangiles. Chacun situe l’événement à différents moments de la vie de Jésus, mais tous insistent sur le caractère immédiat de la réponse à l’appel. Jean l’Evangéliste met davantage l’accent sur le lien entre Jésus et Jean-Baptiste. Les deux premiers appelés sont des disciples du Baptiste et donc au fait de son enseignement.
Le récit débute le lendemain du baptême de Jésus. Ce lendemain situe l’événement dans une semaine inaugurale du ministère du Christ débutant par le témoignage de Jean-Baptiste[6] et se terminant par le miracle de l’eau transformée en vin aux noces de Cana.[7] Une semaine qui n’est pas sans analogie avec les sept jours de création des cieux et de la terre.[8] Il s’agit bien d’une nouvelle création puisque le Royaume est annoncé avec l’avènement d’une alliance nouvelle.
L’appel des disciples par le Christ relève ainsi d’une dynamique de création. Une transformation radicale, comme le suggère Paul : Il vous faut dépouiller le vieil homme qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes, pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l’Homme Nouveau, qui a été créé selon la justice de Dieu.[9] C’est l’enjeu de toute vocation : Dieu appelle de créer avec lui un avenir.
Dieu appelle l’être humain, mais il utilise d’autres êtres humains pour se faire identifier. Dans la vocation de Samuel, le prêtre Éli aide le jeune homme à discerner l’appel. De même, Jean-Baptiste joue un rôle déterminant dans l’appel des deux disciples. Il leur désigne sans équivoque celui qui les appelle : « Voici l’Agneau de Dieu. » Ils ne s’y trompent pas, puisqu’ils suivent d’emblée Jésus en lui donnant le titre de Rabbi.[10] Ce sont des hommes de désir, d’un désir si fort qu’il doit être concrétisé sur le champ.
« Que cherchez-vous ? », interroge Jésus. Cette question, il nous la pose également pour affiner notre désir, le laisser mûrir, nous inciter à un discernement plus profond de nos motivations, à une recherche qui nous mette en mouvement.
« Où demeures-tu ? » la question est pour chacun fondamentale, où pouvons-nous le trouver ? Nous n’avons pas trop d’une vie pour la creuser. « Venez et vous verrez. » Prenons-nous toute la mesure de la liberté accordée par ces paroles ? Loin de s’imposer à nous, Jésus nous invite, en toute simplicité, à venir partager son intimité, sans engagement de notre part, sans aucune condition.
« Tu m’as appelé, me voici ! », répond par trois fois le jeune Samuel. Devenir disciple est une aventure qui engage pour la vie. Une aventure contagieuse. Sur le seul témoignage de son frère André – « Nous avons trouvé le Messie ! » – Simon s’engage à son tour et il est reconnu par Jésus : « Tu t’appelleras Képhas – ce qui veut dire Pierre. » Lui aussi a besoin d’être entraîné par un autre pour se mettre en route et reconnaître le Christ.
Le fait est révélateur de la personnalité de Simon-Pierre. L’homme impulsif, celui qui sera appelé par trois fois à paître le troupeau,[11] à exercer le ministère de l’unité,[12] à affermir ses frères,[13] doit se faire précéder par d’autres. Ici, à l’aube de la vie publique de Jésus, c’est André, son frère cadet, qui remplit cette fonction. Plus tard, devant le tombeau vide, ce sera Jean, le disciple que Jésus aimait, qui le précédera dans sa course.[14] Plus tard encore, à l’apparition au lac de Tibériade,[15] ce même Jean reconnaîtra le Ressuscité avant lui. Complémentarité de Simon et d’André. Complémentarité de Pierre et de Jean.
Cette complémentarité ne devrait-elle pas nous inspirer dans notre quête de l’unité des chrétiens ? Pour bâtir le Corps du Christ, nous avons toujours besoin d’un autre frère qui nous précède, nous stimule dans notre démarche. Pour mieux prendre conscience du scandale des discordes qui déchirent la robe du Christ. Pour partager, dans une aventure de foi communautaire, l’espérance et la passion de l’unité, mais aussi l’impatience d’enfin avoir part ensemble, en pleine communion, au Corps et au Sang du Christ. Ne le savez-vous pas ? Vos corps sont les membres du Christ. Quand on s’unit au Seigneur, cela ne fait qu’un seul Esprit.
Le Seigneur peut appeler qui il veut, quand il le veut. Mais celui qui est appelé est toujours précédé par un autre. Qui ne lui dira pas nécessairement ce qu’il doit faire, mais qui l’aidera à discerner sa vocation. Qui peut-être s’effacera, mais qui toujours lui témoignera la communion à un seul Corps.
[1] Bien que l’année liturgique B soit dédiée à Marc, le 2°dimanche ordinaire emprunte son évangile à Jean.
[2] 1 S 3,3b-10.19 : Vocation de Samuel.
[3] Jn 1,35-42 : Les premiers disciples.
[4] 1 Co 6,13c-15a.17-20 : Tout m’est permis.
[5] La semaine de l’unité des chrétiens se déroule du 18 au 25 janvier. Elle a été initiée en 1933 par l’Abbé Paul Couturier (1881-1953), prêtre de Lyon et oblat du prieuré bénédictin de Chevetogne (établi d’abord à Amay), et dont l’œcuménisme a été influencé par les écrits du Cardinal Mercier et de Dom Lambert Beaudoin.
[6] Jn 1,28 : Le témoignage de Jean.
[7] Jn 2,1 : Les noces de Cana.
[8] Gn 1.2,4a : Premier récit de création.
[9] Ep 4,22-24 : Autrefois et maintenant.
[10] Titre donné par le disciple à son maître dans la tradition juive.
[11] Jn 21,15.16.17 : La tâche pastorale de Pierre.
[12] Mt 16,18-19 : Pierre reconnaît en Jésus le Fils de Dieu.
[13] Quand tu seras revenu, affermis tes frères (Lc 22,32).
[14] J n 20,4 : Les disciples au tombeau.
[15] In 21,7 : L’apparition au bord du lac.
MERCI
J’aimeJ’aime