Méditation 27eme dimanche ordinaire

Voici la méditation qu’Alexis nous propose pour ce dimanche.

Dieu est de tous les commencements des hommes. Entête Elohim créait les ciels et la terre.[1] Dieu crée la terre pour être habitée par l’humain. Il n’est pas bon pour l’homme d’être seul, dit Dieu.[2] Et dès ce moment, il déjoue le piège qui s’offre à lui. Il modèle le monde et tout ce qu’il contient, mais confie à l’homme le soin de le nommer.

Car le nom fait réellement exister. Dieu aurait pu créer et nommer. Pour la seule joie de l’humain, il fait émerger le monde. La terre, avec ses plantes et des animaux, n’existe aux yeux de Dieu qu’habitée d’êtres humains libres et heureux. Attribuer le nom aux êtres vivants est donc une affaire d’hommes. Cela dépasse la nomenclature. Dans ce commencement, la Parole est donnée à l’homme qui devient le porte-parole de Dieu.

En façonnant l’univers, Dieu lui ambitionne un avenir. Le cosmos est en perpétuelle création et l’homme est invité à maîtriser cette œuvre gigantesque.

Le Créateur, à l’écoute de sa créature, aurait pu lui faire un alter ego exactement identique à lui. Mais être semblable n’est pas être une copie conforme. Dieu désire que l’être humain soit heureux. Ce bonheur passe par la construction d’une relation. Il invite l’homme à aller à la rencontre de l’autre, à tisser des liens. C’est ainsi que la création pourra évoluer dans la recherche incessante du dialogue et de l’harmonie d’une vie partagée avec tous les autres différents de soi.

Dans la douceur et la nuée du sommeil, Dieu fait découvrir à l’homme celle qu’il appellera la Vivante,[3] et qu’il tutoiera. Car ils sont appelés à se regarder face à face, à s’émerveiller de leur différence et à partager l’œuvre de Dieu. Ensemble, ils deviennent chair une,[4] ils donneront vie, ils nommeront celles et ceux qui peupleront la terre.

Tout comme il est nécessaire d’être différents pour donner la vie, il faut quitter ce qui nous a donné naissance, pour être soi-même porteur de vie et lieu de naissance. Les êtres humains sont appelés à se respecter mutuellement, comme ils respectent Dieu lui-même. Et s’attacher l’un à l’autre par un lien qui est plus fort que celui du sang, parce qu’il donne la vie.

Mais il arrive que la relation échoue, devienne mortifère. « Est-il permis ? », demandent les pharisiens. En reprenant la loi de Moïse, ils essayent de placer Jésus en arbitre de l’homme et de la femme. Il déjoue leur piège en les renvoyant ailleurs. Si des lois sont établies c’est que, sans l’écoute de l’Esprit, les hommes et les femmes perdent toute fécondité et ne vivent plus en relation d’égalité les uns avec les autres, mais en adversaires.

La critique de Jésus va au-delà du problème des relations au sein des couples. Il montre que l’acte légal n’est pas forcément moral et juste. Il invite à porter un regard créateur sur nos relations aux autres. Toute relation véritable se fonde sur la communion entre tous dans l’amour de Dieu.

Jésus nous appelle à être enfants de Dieu et donc frères et sœurs. Il nous invite à prendre les enfants pour modèles. Leur vérité ne souffre aucune demi-mesure. Leur fragilité, leur confiance, leur dépendance, leur capacité d’accueil font d’eux les clefs du message de l’Évangile. Accueillir le Royaume, c’est retrouver cet esprit d’enfance. L’esprit des commencements.  


[1] Traduction de Chouraqui de «bérechit bara Elohim at hachamaim veet haaréts» (Gn 1,1). Cette traduction littérale donne mieux le sens du texte hébreu que la traduction liturgique «Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre», qui suggérerait que l’action est figée une fois pour toutes.

Le nom rechit signifie tête, sommet, cime, commencement. Il est utilisé sans article défini ha (au commencement se traduit par haberechit). La meilleure traduction est ainsi «Pour un commencement», avec l’article indéfini. Ce qui semblerait vouloir dire que c’est un commencement parmi d’autres, ou encore qu’il pourrait y avoir plusieurs commencements. Et pourquoi pas que tous les commencements des hommes soient œuvres de création de Dieu ?

Le verbe bara  signifie créer en parlant de Dieu. Autrement dit, il n’admet pas d’autre sujet que Dieu dans toute la Bible. Ce qui signifie que l’homme ne crée pas, il n’est jamais sujet du verbe (d’autres verbes sont utilisés pour désigner l’action de l’homme). Par conséquent, créer reste toujours un mystère réservé à Dieu, l’homme ne sait pas ce que c’est que créer. Par ailleurs, la conjugaison hébreuse ne connaît pas de temps au sens de la conjugaison française, elle indique simplement que l’action du verbe est accomplie ou inaccomplie, que ce soit dans le présent, le passé ou le futur. Dans ce cas, l’action est accomplie, c’est-à-dire définitive, établie et sûre. La traduction française est donc «il crée, il a créé, il créa». Enfin, le verbe est à la troisième personne du masculin singulier, alors que son sujet est à la troisième personne du masculin  pluriel.

Le sujet de la phrase, Elohim est le masculin pluriel (pluriel de majesté ?) d’El, nom du Dieu sémite. Il désigne Dieu dans son aspect relationnel et immanent, à l’inverse du tétragramme YHVH qui désigne la  transcendance de Dieu, son incommunicabilité. Le Dieu créateur est ainsi un Dieu de communication, qui recherche le rapport avec sa créature. Ou encore, Dieu crée pour être en relation.

Ce Dieu crée les cieux. Le mot hébreu chamaim est un masculin pluriel (il n’existe pas au singulier). Il désigne le séjour de Dieu et du monde du sacré. Il y a donc une séparation entre le monde sacré et le monde profane.

Il crée aussi la terre. Le mot féminin singulier érets signifie terre, pays, terroir, et doit être distingué de adamah, qui signifie sol, glèbe (qui est l’origine du nom Adam). Il désigne donc la terre pour être habitée. Dieu crée donc une terre habitable, et son souhait est qu’elle soit habitée par l’homme, à qui il en confiera la maîtrise.     

[2] Et Dieu d’ajouter aussitôt «Je veux lui faire une aide qui lui soit en vis-à-vis» (Gn 2,18). Dieu place ainsi l’homme et la femme en vis-à-vis, autrement dit sur un plan d’égalité en importance et en dignité. La création de la femme à partir d’une côte de l’homme est, dans le texte hébreu, un jeu de mots qui les met tous deux en côte à côte.

[3] L’homme appela sa femme du nom d’Eve – c’est-à-dire la Vivante – car c’est elle qui a été la mère de tout vivant (Gn 3,20). Le nom d’Eve (haw-wa) est rattaché à la vie (hayya).

[4] Aussi l’homme laisse-t-il son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviennent une seule chair (Gn 2,24). La phrase donne les critères de réalisation d’un mariage par trois verbes d’action : laisser (ou quitter), s’attacher et devenir. Sans eux, il n’est pas possible de se projeter en couple dans un avenir. Quand l’un d’eux manque, l’union est bancale.

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