
Merci à Alexis pour cette belle méditation.
Jamais il n’a été facile pour le croyant de reconnaître le Christ, celui qui a reçu l’onction du Seigneur, dans le visage du serviteur humble et promis au destin tragique d’une mort infâmante. A ce dessein, l’évangéliste Marc révèle graduellement la figure de Jésus en exposant ses enseignements sur la venue du Royaume. Il aborde aujourd’hui la question de l’accès à la vie éternelle et du rapport à la richesse pour conclure sur l’acceptation du salut comme un don reçu dans l’abandon de soi.
Dans la culture du peuple hébreu, la richesse était considérée comme une bénédiction, une rétribution divine. Les apôtres sont tout surpris lorsque Jésus leur annonce qu’il est impossible à un riche d’entrer dans le Royaume. Il est vrai que la richesse peut devenir synonyme d’avidité, d’oppression, d’appétit de puissance, d’écrasement et d’exploitation de l’autre, à l’inverse du message de l’Evangile. Mais la vraie richesse n’est-elle pas gratuité de l’amour de Dieu ?
Il arrive, dans l’histoire de l’humanité, que percent des idées, des théories qualifiées d’utopiques. Ce sont des rêves de beauté, de bonté, de fraternité, d’égalité, de justice, de tolérance. L’utopie a cette particularité d’être à la fois nécessaire et impossible. Nécessaire, car elle féconde l’histoire humaine et la fait progresser vers plus d’harmonie et de paix. Impossible, car elle dépasse les capacités et les talents à long terme de l’humanité. L’utopie n’est pas moins indispensable. Que serait une société bouchée une fois pour toutes, immobilisée dans son évolution ?
L’enseignement de l’Evangile procède largement de ce genre utopique. La réponse de Jésus l’atteste à suffisance, «Pour les hommes c’est impossible, mais pas pour Dieu». Ce qui est possible à Dieu, c’est de tracer des chemins dans le cœur des hommes pour qu’ils s’ouvrent à la vérité de la Bonne Nouvelle.
Mais ce qui est impossible à l’homme, c’est de tenir tout au long de sa vie pareil projet. Pourquoi le lui demander alors ? Le Christ veut-il enfermer l’être humain dans un sentiment de culpabilité ? Veut-il à ce point nous décourager que nous n’osions même plus entreprendre de nous changer ?
Au contraire, l’évangile est à prendre comme un appel à une rencontre intense. Cet homme riche, Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. C’est dans la même relation d’alliance, d’amour et de foi qu’il nous faut l’entendre, tant au plan personnel qu’au niveau collectif, et pour tout dire cosmique. Ainsi, l’appel de Jésus, «va, vends ce que tu as», peut d’abord rappeler la valeur relative des biens de la terre. Dans un renversement étonnant des valeurs, le plus riche n’est pas le meilleur, la récompense est ailleurs !
Mais surtout, pour comprendre le sens de l’enseignement évangélique, il faut en percevoir la dynamique. Alors que l’homme qui interroge Jésus cherche la vie éternelle en héritage, il lui est offert d’abord de suivre un chemin, «viens, suis-moi». C’est comme un contrat de confiance qui va transformer la vie et engager dès maintenant à une communion à Dieu par Jésus. Une voie de tous les possibles.
Car tout est possible à Dieu. Le Christ nous ouvre à la vie éternelle, jaillissement du temps de Dieu dans le temps des hommes, émergence du Royaume dans notre existence quotidienne. Aujourd’hui, le salut, qu’il nous est impossible de trouver par nous-mêmes, nous est offert gratuitement. Sagesse du Royaume que nous ne pouvons que recevoir.