méditation pour le 30eme dimanche ordinaire

Nous l’attendions, la voici, la méditation d’Alexis!

Jésus fait recouvrer la vue. Guérir un aveugle[1] est un acte à portée hautement symbolique qui illustre son pouvoir illuminateur et ses efforts pour ouvrir les yeux de ses disciples. Une action d’autant moins banale que, pour une fois,[2] le bénéficiaire n’est pas anonyme. L’évangile a retenu son nom, Bartimée, littéralement fils de l’honoré. Donc quelqu’un dont le père ou un aïeul a été honoré, célébré, et qui lui-même est déchu.[3] Un patronyme lourd à porter pour qui est aveugle, condamné à la mendicité, et assis au bord du chemin.

Jésus monte de Jéricho à Jérusalem, il va vers sa passion, sa résurrection et la révélation de son identité de Fils de Dieu. Et c’est en tant que Messie – oint du Seigneur – que l’homme l’interpelle, en le désignant comme Fils de David. Un titre qui rappelle la fidélité de Dieu aux promesses qu’il fit au roi David. Un cri qui est aussi une provocation, car, pour qui connaît la géographie des lieux, la scène se déroule aux pieds du palais d’Hérode, l’usurpateur du pouvoir royal.

Sa supplique «aie pitié de moi» est moins un appel à une pitié condescendante qu’une aspiration à la libération et au salut, une confession de foi. Requête qu’adresse un pauvre au Dieu de miséricorde. Ce qui est en jeu ici n’est rien moins que la vie qui renaît pour tous les aveugles que nous sommes.

Typique aussi est la réaction de la foule. Cet aveugle, ce perturbateur au comportement inconvenant, les gens veulent le faire taire. On est toujours gêné par ceux qui manifestent bruyamment et de façon incongrue. Ils nous dérangent, et nous restons indifférents à leurs problèmes.

Jésus, lui, prend toujours le contrepied de nos attitudes frileuses et égoïstes. Il est attentif aux cris de ceux qui l’apostrophent. Mais jamais il n’intervient sans le consentement des personnes. Au contraire, il interpelle pour sensibiliser et impliquer dans son action. Pour cela, il ordonne d’appeler l’homme.

L’empressement de l’aveugle à rejoindre Jésus est aussi significatif. Il bondit et court en rejetant son manteau, ce qu’il possède pour se couvrir et peut-être l’argent que les passants y avaient déposé. Son élan est irrépressible, il laisse derrière lui tout ce qui constituait sa vie d’exclu pour s’ouvrir à la liberté. Dans une confiance totale, il abandonne tout son passé pour saisir la chance d’une existence nouvelle.

Que veux-tu que je fasse pour toi ?, demande Jésus. Une question surprenante pour un aveugle. Elle invite à voir plus loin que les réponses évidentes, au-delà des seules choses perceptibles. Jésus est bien plus qu’un simple thaumaturge qui accomplit des miracles. De quelles cécités peut-il guérir l’humanité ? Il a trop de respect pour la liberté de choix de ceux qu’il sollicite que pour s’imposer à eux par des actes de puissance.

Dans sa réponse, l’aveugle donne à Jésus le titre de rabbouni.[4] Autrement dit, il lui témoigne du respect en même temps qu’il reconnaît son autorité. Ce qui lui vaut d’être envoyé guéri : va, ta foi t’a sauvé. La foi qui sauve est cette confiance placée en quelqu’un qui porte, qui nourrit. Pour le sauver, Jésus ne peut agir seul, il a besoin de sa foi. Notre guérison spirituelle, notre salut, ne peuvent s’accomplir sans notre participation. Alors seulement, nous pourrons, comme Bartimée, nous mettre à la suite de Jésus.

Que voulons-nous que Jésus fasse pour nous ? La question interpelle chacun en profondeur. Elle ouvre un champ de liberté, et, en même temps, elle oblige à se positionner. La foi est un choix libre et d’une sincérité totale. Le Christ guérit nos cécités, mais il nous incite d’abord à approfondir et à préciser nos vrais besoins, à affiner nos désirs dans un travail de conversion. La guérison de Bartimée, le mendiant aveugle devenu disciple, nous incite à quitter les bords du chemin où nous sommes assis. Pour dessiller les yeux de notre cœur et accueillir dans la foi la vision du Christ ressuscité.


[1] C’est la deuxième guérison d’un aveugle dans l’évangile de Marc. Le premier épisode (Mc 8,22-26) intervient juste avant la profession de foi de Pierre à Césarée de Philippe.

[2] C’est la seule fois dans l’évangile que le nom du bénéficiaire d’un miracle soit connu.

[3] La maladie ou l’infirmité résultent, dans la mentalité sémite, des péchés commis.

[4] Rabbouni est un terme araméen qui n’est pas uniquement un diminutif tendre de rabbi, mais témoigne du respect et de l’autorité d’un maître qui commande. Il correspond ainsi au français Seigneur. Le mot araméen rabbi, quant à lui, désigne plutôt un maître qui enseigne.

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