
Alors que Saint Nicolas termine sa tournée, Alexis nous offre en cadeau sa méditation sur la parole de ce mardi.
Le Royaume des cieux est proche,[1] telle est l’espérance de l’Avent. La question qui se pose dès lors est celle de son accès, qui peut y entrer et comment ? La réponse du Christ est toujours la même, seuls les pauvres, les humbles sont aptes à aborder le règne de Dieu. Se rendre petits à la manière des enfants, se débarrasser de ses prétentions, reconnaître ses faiblesses et sa dépendance par rapport à Dieu sont les clés du Royaume. Encore faut-il adopter par rapport aux plus faibles des attitudes qui ne les rejettent pas, par manque de tact ou par mépris. Dieu ne veut pas qu’un seul de ces petits soit perdu.
Jésus découvre à ses proches l’accès au Royaume. L’Evangile le montre parcourant désormais le chemin qui va le mener de la Croix à la gloire de la Résurrection. Il a déjà annoncé deux fois sa passion et sa Résurrection et il conduit un entretien doctrinal avec ses disciples. Cette annonce ne soulève chez eux qu’incompréhension et absence de projection eschatologique. La vision qu’ils ont du Royaume est encore celle d’un messianisme politique. Ils attendent sans doute du Christ la restauration d’un État débarrassé de la domination romaine. Et peut-être cherchent-ils à se positionner hiérarchiquement dans celui-ci.
Pour toute réponse, dans un premier temps,[2] Jésus appela un petit enfant qui, contrairement à eux, n’a pas la prétention de rechercher une belle position. Il les exhorte non seulement à devenir comme les enfants, mais surtout à les accueillir comme il le fait lui-même, sans mépriser ces petits. Il conditionne ainsi l’entrée du Royaume à cette attitude de respect et de bienveillance envers les plus modestes.
Dans un deuxième mouvement, Jésus vient illustrer et préciser cet enseignement par la parabole de la brebis égarée. Cette brebis égarée,[3] et non pas perdue, représente, pour l’évangéliste Matthieu ces petits, membres de la communauté chrétienne qui risquent de s’égarer à cause du mépris ou d’un excès de sévérité dont ils pourraient être victimes. Cet égarement, plus doctrinal que moral, est caractéristique des temps messianiques d’une attente, parfois anxieuse, du retour du Christ. L’accent particulier placé sur ceux qui pourraient s’égarer et le souci à apporter pour les retrouver interpelle concrètement nos manières de faire en Église. Ne détournons-nous pas parfois, en les dégoûtant de l’Evangile, les plus faibles par des exigences trop sévères ou incompréhensibles ? Ne les décourageons-nous pas en leur proposant des idéaux trop élevés ? Quels sentiments de culpabilité n’induisons-nous pas en donnant des leçons de morale plutôt que de miséricorde ? Avons-nous suffisamment le souci des gens à la marge de nos Églises ? Pour que personne ne soit perdu, portons-nous vers les périphéries.
Le Christ nous donne les clés du Royaume, il nous montre comment l’accueillir, participer à son érection. D’abord se montrer humbles dans nos existences et dans nos relations aux autres. Ensuite avoir le souci constant des plus petits, dans le plus profond respect, la plus grande empathie. Aller à leur recherche là où ils se trouvent, sans craindre de sortir de nos zones de confort ou de nos certitudes, en se laissant interpeller par eux, même s’ils sont en dehors des sentiers battus ou de l’Eglise. Une attitude qui suppose une conversion radicale des modes de penser et d’agir, de manière individuelle ou en Église. Jésus nous livre ici l’essence de son enseignement. L’attention aux petits n’a rien de facultatif, elle est indispensable à l’accès au Royaume de Dieu, constitutive de l’identité de chrétien. Sommes-nous prêts à l’entendre ?
[1] L’envoi des Douze (Mt 10,7).
[2] Le plus grand dans le Royaume des Cieux (Mt 18,1-10).
[3] A l’inverse de Luc (Lc 15,3-7) pour qui la brebis est perdue, Matthieu parle de brebis égarée, interrogeant ainsi la responsabilité de cet égarement.