méditation du 17 janvier 2023

Merci à Alexis pour sa méditation du mardi.

L’Evangile interroge aujourd’hui notre liberté. Vivre en êtres humains autonomes et libres suppose de faire des choix et de les assumer en toute responsabilité. Au risque de transgresser parfois les normes et les valeurs établies quand elles se révèlent inopérantes, qu’elles sont génératrices d’injustices ou que des circonstances impérieuses le nécessitent. De sortir de nos zones de confort pour affronter en toute conscience le poids des traditions quand elles deviennent oppressantes.

La relation des épis arrachés et de l’observation du sabbat relève chez Marc d’une série de discussions de Jésus avec les Pharisiens – les publicains et les pécheurs, le jeûne – élaborées sur le même schéma. Une question est posée par ses interlocuteurs à Jésus, qui y apporte une réponse définitive, élargie par une affirmation à portée plus élevée.

En l’occurrence, le reproche fait par les pharisiens voyants les disciples de Jésus arracher des épis ne concerne pas le vol ni le fait de manger – qui est légitime quand on a faim – mais le travail qu’ils sont censés faire. Le fait de glaner est en effet assimilé à une moisson, activité interdite pendant le shabbat[1].

La réponse de Jésus se réfère à l’attitude de David[2] qui permet à ses partisans affamés de manger les pains d’oblation, pourtant réservés aux prêtres et aux lévites. Il rappelle ainsi à ses interlocuteurs que la Loi peut être transgressée en cas de nécessité, lorsque son application stricte provoquerait un mal plus grand que sa transgression. Dans tous les cas, c’est la miséricorde qui prévaut[3].

Jésus élargit le débat en déclarant le shabbat fait pour l’homme. Il signifie – mais là encore cela relève de la tradition juive[4] – que l’obligation du shabbat cesse quand elle entraînerait un grand dommage pour l’homme. Allant plus loin, il s’identifie au Fils de l’Homme et affirme son autorité sur l’institution divine du shabbat et affiche par là son identité divine.

L’institution du shabbat relève de la Loi révélée à Moïse au Sinaï[5]. Tout particulièrement d’une des deux seules Paroles données par le Seigneur à l’impératif.[6] Le commandement est assorti d’une bénédiction et d’une consécration. Il oblige non pas l’observance[7], mais un mémorial du shabbat qui s’explique soit par l’achèvement de la création[8], soit par la libération de l’esclavage[9]. Dans les deux cas, Dieu dégage un espace de liberté, où l’être humain peut exister et s’épanouir. C’est de cette liberté humaine voulue par Dieu qu’il convient de faire mémoire le jour du shabbat. Celle ou celui qui est ainsi libéré est béni et est alors rendu capable d’accomplir toutes les autres Paroles de Dieu. D’accueillir la Parole de Dieu.

Jésus est la Parole de Dieu. En se posant comme le maître du shabbat, il dévoile sa nature divine, mais aussi se révèle comme le libérateur de l’humanité. En se substituant au shabbat, il libère de la mort et du péché et apporte la bénédiction promise par son Père. Le mémorial de sa mort et de sa résurrection renouvelle celui su shabbat en rappelant cette liberté offerte dans une alliance renouvelée en son sang.

Aujourd’hui, le Christ nous rend libres pour que nous rendions témoignage de l’œuvre de la création. En ces temps troublés où règnent l’individualisme, mais aussi l’angoisse, nous avons à nous interroger sur l’usage que nous faisons de notre autonomie. Pour qu’elle ne nous mène pas à la servitude. Et nous rappeler que la liberté ne consiste pas à faire ce que l’on veut, mais de vouloir ce que l’on fait.


[1] Ex 34,21 : Tu travailleras six jours, mais le septième tu chômeras, même en période de labours ou de moisson tu chômeras.

[2] 1 S 21,2-7 : David et ses partisans, fuyant Saül, arrivent à Nov. Reçus par le prêtre Ahimélek, ils lui demandent à manger et celui-ci, n’ayant pas de pain ordinaire, leur donne à manger du pain consacré.

[3] Os 6,6 : Je veux la miséricorde et non le sacrifice.

[4] Comme ce que signifie, par exemple, le prêtre Mattathias, réfugié au désert pendant la guerre séleucide : Tout homme qui viendrait nous attaquer le jour du shabbat, combattons-le (1 M 2,39-41).

[5] Le Décalogue signifie littéralement les dix paroles de Dieu (Ex 20,1-17 et Dt 5,6-21-.

[6] La seconde Parole à l’impératif est celle sur les parents. Les huit autres Paroles ne sont pas impératives, un peu comme si leur accomplissement était conditionné par ces deux-là.

[7] Les prescriptions et interdits du shabbat proviennent des instructions concernant l’organisation du culte (à partir d’Ex 25). Tous les travaux interdits sont des œuvres de création. Toute une jurisprudence a été mise en place pour l’extension de ces travaux aux activités modernes.

[8] Dans la version de l’Exode : Que du jour du shabbat on fasse un mémorial en le tenant pour sacré. Tu travailleras pendant six jours, faisant tout ton ouvrage, mais le septième jour, c’est le shabbat du SEIGNEUR ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, pas plus que ton serviteur, ta servante, tes bêtes ou l’émigré que tu as dans tes villes. Car en six jours, le SEIGNEUR a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le SEIGNEUR a béni le jour du shabbat et l’a consacré (Ex 20,8-10).

[9] Dans la version du Deutéronome : Qu’on garde le jour du shabbat pour le sanctifier comme le SEIGNEUR ton Dieu te l’a ordonné. Tu travailleras six jours, faisant tout ton ouvrage, mais le septième jour, c’est le shabbat du SEIGNEUR ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, ni l’émigré que tu as dans tes villes, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. Tu te souviendras qu’au pays d’Égypte tu étais esclave et que le SEIGNEUR ton Dieu t’a fait sortir de là d’une main forte et d’un bras étendu ; c’est pourquoi le SEIGNEUR ton Dieu t’a ordonné de pratiquer le jour du shabbat (Dt 5, 12-15).

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