méditation mariale pour ce 8 septembre

Les commémorations de la Vierge Marie n’apparaissent jamais banales, mais la fête de sa Nativité revêt une saveur particulière, non seulement par la nature de l’événement, mais encore par les circonstances de sa célébration. On peut penser à ce qui a présidé à la fixation de la date anniversaire de sa naissance, ou encore au choix liturgique de l’évangile qui en fait mémoire.

Ni les évangiles, ni les autres textes canoniques du Nouveau Testament ne font écho de la naissance de Marie ou encore de ses parents. Les seules sources qui en font mention sont des récits apocryphes dans lesquels la tradition, tant occidentale qu’orientale, a largement puisé. Ils renseignent que Marie est née du couple formé par Joachim et Anne, de descendance davidique. Une naissance miraculeuse, puisque la mère était stérile et qu’elle avait été annoncée aux deux parents par l’Ange du Seigneur. La tradition situe le lieu de naissance à Jérusalem, à proximité de la piscine de Bethsada (porte des Lions). Sur l’emplacement de la maison du couple a été érigée au 5° siècle une église dédiée à Sainte Anne.

La date de naissance de Marie est inconnue, elle est fêtée dès le 5° siècle le 8 septembre, à l’anniversaire de la consécration de l’église Sainte Anne à Jérusalem. On aurait pu imaginer, comme c’est le cas pour Jésus en Orient[1] et selon la tradition antique pour les personnes importantes, calculer la date au départ du jour de sa conception, supposé coïncider au jour de sa mort. Mais la date de sa mort est également inconnue et a été fixée au 15 août, à l’anniversaire de la dédicace de l’église du Sépulcre de la Vierge Marie dans la vallée du Cédron à Jérusalem. Ces imprécisions laissent suggérer que l’essentiel est sans nul doute ailleurs, dans le mystère de l’humilité de la vie de Marie et son ouverture à l’Esprit.

Le choix de l’évangile peut surprendre, il ne présente Marie qu’en second plan. La généalogie qui entame l’évangile de Matthieu est celle de Joseph, de même que le récit de l’annonce de la naissance de Jésus. Là encore, Marie s’estompe devant les événements, mais surtout devant son fils. On y décèle peut-être son rôle le plus essentiel, nous montrer celui qui nous apporte le Salut.

Les généalogies sont assez nombreuses dans la Bible hébraïque, la plupart concernant les patriarches ou encore les tables des peuples. Les évangiles en renferment deux, chez Matthieu et Luc, qui sont écrites dans des optiques distinctes, se situent à des endroits différents des récits et divergent en partie dans les noms. Ce sont donc des constructions artificielles, dont l’objectif principal n’est pas la stricte chronologie. Leur intérêt est plutôt dans ce qu’elles situent les personnages dans une perspective de transmission linéaire. On ne se reçoit pas de soi-même, on n’est pas le fils de ses propres œuvres, mais on constitue comme les maillons d’une chaîne. De cette manière, ces généalogies sont autant de leçons d’humilité qui placent l’être humain dans la reconnaissance de ceux qui l’ont précédé, mais aussi dans ses responsabilités pour ceux qui le suivent. Elles transmettent une solidarité intergénérationnelle.

La généalogie de Jésus chez Matthieu est descendante, elle débute à Abraham pour arriver au Christ. L’objectif de l’évangéliste est de situer Jésus comme fils d’Abraham, autrement dit de fils de la promesse appelé à devenir bénédiction, et aussi comme fils de David, de la lignée messianique du roi David, l’élu de Dieu dont la descendance règnera sur Israël.

La titulature « Généalogie de Jésus Christ », littéralement « Livre de la genèse de Jésus Christ », est significative. Elle suggère que Jésus, en ouvrant le livre d’une nouvelle genèse, prend la place d’Adam. Mais d’une ascendance, on passe à une descendance, et par conséquent, en Jésus, l’histoire passée d’Israël trouve un sens. La signification précise de cette histoire sainte est celle d’un engendrement. Engendrer quelqu’un, c’est participer à l’œuvre de création et transmettre une image, l’image de Dieu : Le jour où Dieu créa l’homme, il le fit à l’image de Dieu (Gn 5,1). Jésus s’enracine dans cette histoire, dans cet engendrement. Par sa résurrection, il transmet cette image de Dieu à son Église, à laquelle il reste présent jusqu’à la fin des temps (Mt 28,20). Avons-nous conscience d’être à notre tour, par Jésus Christ, engendrés et dépositaires de cette image de Dieu ?

Bien que masculine, la généalogie de Jésus contient quatre femmes pour aboutir à Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. La première, Thamar (dont le nom signifie dattier) était la belle-fille de Juda (elle avait épousé successivement deux de ses fils sans avoir d’enfants) et avait eu des rapports incestueux avec son beau-père pour lui assurer une descendance (Ex 38). La deuxième, Rahab était une prostituée de Jéricho qui avait caché les espions d’Israël lors de la conquête de Canaan et était la mère de Booz (Jos 3.7). La troisième, Ruth, était une moabite qui avait suivi sa belle-mère Noémie à la mort de son mari et avait ensuite épousé Booz, grand-père de Jessé (Rt). La quatrième, la femme de Urie le Hittite, était Bethsabée, qui avait eu une relation adultérine avec le roi David et était la mère de Salomon (II S 11).

Toutes sont des étrangères et ouvrent donc le Christ à l’universalisme. Toutes quatre ont enfanté dans des situations irrégulières, dans des situations de crises qui ont pu ainsi se dénouer grâce à elles. Elles trouvent leur place dans une généalogie pour nous interroger sur notre identité, nous ouvrir vers l’extérieur sans nous replier sur nous-mêmes. Elles viennent rappeler que dans toute chaîne de transmission, il y a des nœuds, des situations dont nous ne pouvons sortir seuls, mais uniquement en faisant appel aux autres, et singulièrement aux femmes, aux étrangers. Elles annoncent Marie, elle aussi en situation irrégulière, vierge qui enfantera Dieu selon la chair et qui, par son accord, rendra possible l’accomplissement du dessein de salut de Dieu.

À la suite de cette généalogie, et faisant écho à celle-ci, l’annonce faite à Joseph vient préciser de quelle manière Jésus, quoi que fils d’une vierge, a été fils de David. Le récit relève du genre littéraire des récits de vocation. L’Ange du Seigneur, c’est-à-dire Dieu lui-même, intervient pour révéler en songe à Joseph ce qu’il attend de lui et pour lever les objections qu’il formule. Il lui donne une explication (celui qui a été engendré en Marie provient de l’Esprit Saint), mais aussi une mission (donner son nom à l’enfant).

Le rôle de Joseph est capital, il confère à celui qui est enfanté la filiation davidique en le nommant. Le nom en effet détermine la personne et lui signifie sa dignité et son autonomie. En l’occurrence Jésus – Le Seigneur sauve. Bonne Nouvelle pour son peuple et pour l’humanité, puisque l’enfant annoncé vient laver nos péchés, effacer nos échecs.

Joseph est qualifié d’époux et d’homme juste. La tradition considérait que les jeunes gens qui avaient échangé des promesses de mariage étaient déjà mariés, même s’ils n’avaient pas commencé leur vie commune. Seule la répudiation légale, qui était un acte public, pouvait les dégager de ces engagements.

En quoi consiste la justice de Joseph ? Plusieurs motifs sont régulièrement avancés : il respecte la Loi qui autorise le divorce en cas d’adultère (ce qu’il présume au départ), ou il est bienveillant en raison de la justice due à une innocente (qui aurait été victime d’un viol), ou encore il refuse de se faire passer pour le père de l’enfant divin (ce qu’il ignore encore). Aucune de ces raisons n’est déterminante.

En outre, Joseph peut-il être juste, alors qu’en réalité, il s’apprête à transgresser la Loi ? La répudiation secrète qu’il envisage n’est en effet pas autorisée, car elle élude la juste peine des coupables d’adultère et couvre une abomination. Au fait, Joseph est peut-être juste parce qu’il ne craint pas de transgresser la Loi. La vraie justice ne relève pas du droit fait d’un respect strict des prescriptions et règlements. Être juste devant Dieu, c’est s’ajuster à lui, entrer dans une relation singulière de respect et de confiance mutuels. Parce qu’il a trouvé la réponse adaptée aux circonstances, Joseph est un homme juste.

Parce qu’il est juste, Joseph reçoit de Dieu la révélation de la conception virginale : ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Tout est désormais clair puisque s’accomplit la prophétie d’Isaïe au roi Akhaz qui refusait de demander à Dieu un signe : Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel (Is 7,14). Le signe de la vierge qui enfante exprime et soutient la foi de toute l’Église.

L’Église célèbre la Nativité de la Vierge Marie, et l’évangile ne dit rien d’autre d’elle que sa virginité. Mais tout est peut-être dit dans cette nudité des mots. Le mystère de Marie n’est pas seulement celui de sa naissance, mais s’exprime davantage dans son effacement devant celui qu’elle enfante, le Fils du Dieu vivant, le Messie de la lignée de David qui vient sauver notre humanité.      


[1] Selon les renseignements fournis par les évangiles, Jésus serait mort un 6 avril. Sa date de conception serait alors le 6 avril, et il serait par conséquent né le 6 janvier, date à laquelle les orthodoxes célèbrent Noël.

méditation pour le 14eme dimanche ordinaire A

Père, je proclame ta louange. Ce cri de jubilation de Jésus qui exulta de joie sous l’action de L’Esprit saint (Mt 10,21) est une bénédiction. Bénir Dieu, c’est le louer à partir d’un événement heureux. Béatitude paradoxale, puisque Jésus vient de constater l’échec cuisant de sa mission auprès de ceux chez qui il a accompli des miracles et qu’il vient d’invectiver sur les villes qui ne se sont pas converties. Il ne se laisse cependant pas abattre devant l’indifférence et l’inertie de la plupart de leurs habitants.

Jésus rend grâce à son Père car, si tant de cœurs intelligents, de gens instruits dans la religion, de sages selon les hommes se ferment à lui, par contre, il voit le cœur des gens pauvres et simples, ignorants, s’ouvrir à la grâce, s’ouvrir à la vie, s’épanouir, respirer enfin. Ces tout-petits, ces humbles, dont la seule richesse est la présence de Dieu rendue sensible par sa Parole, se sont découverts aimés, et cet amour vient bouleverser toute leur existence.

Alors que les sages et les savants, dans leur orgueil, ne savent qu’obéir à des prescriptions, des lois et des rites, et à les imposer aux autres, eux entrent dans une alliance d’amour. Ce n’est pas en raisonnant qu’on pénètre dans l’intimité de Dieu, mais en se laissant aimer. La foi ne relève pas de l’adhésion à une doctrine ou une théologie, mais de la confiance, de l’abandon en quelqu’un sur qui on peut compter et s’appuyer, celui qui nous aime d’un amour gratuit, sans retour.

Si le joug de la Loi est pesant, étouffant par ses multiples impositions, devenir disciple de Jésus ne l’est pas. Son fardeau est léger, il allège la marche, parce que ses exigences donnent accès à la vraie liberté et que Dieu aide sans cesse ses enfants. Jésus lui-même en donne l’exemple, il ne manifeste aucune volonté d’ostentation, mais ne cesse d’exercer l’amour de Dieu. Le joug du Fils est le joug de l’amour du Père. Il vient nous révéler cette relation d’amour. En lui la source du repos, de la paix, du bonheur.

Pour se mettre à la suite de Jésus, il faut tuer les désordres de l’homme pécheur afin de vivre. Et donc se mettre à l’écoute de l’Esprit qui habite en nous et non de la chair qui parle en nous. Chair et esprit caractérisent deux styles de vie opposés, sans possibilité de compromis. Vivre selon la chair signifie se complaire dans toutes les faiblesses de l’humain qui laisse libre cours aux instincts mauvais. Le régime de l’esprit est harmonie, ajustement dans une relation équilibrée avec Dieu. Vivre selon l’Esprit suppose d’accueillir la vie en Dieu dans la conversion des attitudes et des comportements.

À nous qui essayons de devenir un peu mieux disciples du Christ, l’Évangile nous rappelle l’essentiel de son message : aimer. Accueillir d’abord l’amour du Père dans la louange spontanée comme Jésus le fait Jésus aujourd’hui, ou en prenant le temps de nous retirer dans le secret. Se laisser habiter par l’Esprit, s’émerveiller avec Jésus de l’ouverture des petits à la Bonne Nouvelle, déposer en lui les fardeaux trop lourds à porter. Prendre le temps de rester en vie spirituellement.

commentaire de ce 4 juin

Commentaire

Les adversaires de Jésus ont l’art de poser des questions qui mettent dans l’embarras. Parmi les centaines de commandement que tout bon juif se doit de respecter, voici qu’on lui demande d’en mettre un seul en exergue. La réponse de Jésus est grandiose. Si nous vivons le commandement de l’amour de Dieu et de nos frères, nous suivrons tout autant les autres commandements. Mais Jésus donne deux commandements, celui de l’amour de dieu et celui de l’amour du prochain. Nous pourrions plutôt dire qu’il en donne 4, car il invite à l’amour de soi et à l’écoute. L’amour et l’estime de soi qui semble si difficile de nos jours. Jésus nous rappelle que si nous voulons aimer les autres, nous devons tout d’abord apprendre à nous estimer à notre juste valeur. Et le tout premier commandement que jésus donne est tout aussi difficile à suivre : écoute ! nous entendons tant de bruits et nous avons difficile d’écouter avec le cœur. Nous pouvons dire en vérité que si nous écoutons avec le cœur, nous serons capables de vivre le triple commandement de l’Amour.

Nous l’avons écouté hier, nous aurons la joie de pouvoir reprendre le chemin de nos églises dans quelques jours. C’est une joie pour nous de pouvoir reprendre une vie paroissiale classique. Mais nous devons aussi prendre ce commandement de l’écoute pour nous tous. Nous aurons vécu exactement 3 mois en confinement, avec des moments douloureux et des moments plus calmes, avec aussi des merveilles d’entraide qui pont pu se mettre en route. En sortant petit à petit de ce confinement, mettons-nous à son écoute, et repartons sur nos chemins de foi avec tout ce que ce temps difficile nous aura enseigné.  Nous pourrons alors dire que nous avons écouté ce temps de confinement, et que nous sommes prêts à repartir dans notre vie chrétienne, non pas comme avant, mais fort de tout ce que nous avons pu découvrir. Vivons en cette fin de confinement le commandement de l’écoute celui de l’amour.