
Jésus, dans une série de paraboles, appelle à la vigilance dans l’attente de la venue du Fils de l’Homme. Il a pris résolument le chemin de Jérusalem[1] dans la perspective déjà annoncée[2] de sa Passion et de sa Résurrection. De plus en plus, il rencontre l’opposition des autorités religieuses au cours de sa route. S’il continue à rassembler des foules, il ne s’adresse plus systématiquement à elles et destine d’avantage son enseignement à ses disciples en leur annonçant l’urgence du Royaume. Tout particulièrement, il vient de les exhorter à vivre de la grâce de Dieu en pratiquant, au moyen de l’aumône, une religion du cœur : Où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.[3]
Jésus attend de ses disciples une vigilance active et pas seulement une attente passive de l’avènement du Royaume. Il fait usage pour le manifester d’images significatives : Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées (v 35). La tenue de travail est cette ceinture qui sert à relever les pans de la robe pour être prêts pour l’ouvrage, mais aussi la tenue de voyageur dont se vêtent en hâte[4] les juifs pour célébrer La Pâque, dans l’attente de la venue du Messie. Les lampes sont allumées pour rester prêts quelles que soient les circonstances. Jésus appelle ainsi à garder l’esprit en éveil en l’éclairant de la Parole de Dieu. L’injonction est aussi une mise en garde, afin de ne pas manquer, telles les jeunes filles insensées[5], de l’huile de la foi, de la confiance et de l’abandon à la volonté de Dieu, seule capable d’alimenter la lampe.
De même, l’image des gens qui attendent leur maître à son retour des noces (v 36) incite à se tenir prêts pour le retour du Christ. Ce n’est pas tant la symbolique des noces, toujours associées à l’avènement du Royaume, que son arrivée à une heure tardive et indéterminée, qui importe ici. Nul ne sait le moment où Jésus survient dans son existence, mais il surgit toujours de manière impromptue.
Jésus ponctue son appel à veiller d’une double béatitude. Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller (v 37). Une récompense leur est solennellement promise. Le maître se mettra lui-même en tenue de travail pour les servir à la table du Royaume. Bienheureux les veilleurs ! La gratification est liée à leur vigilance active plus qu’à l’accomplissement du service, qui relève de leur devoir d’état de serviteur.[6]
La vigilance est d’autant plus récompensée que l’arrivée du maître est tardive. Et si c’est à la deuxième veille qu’il arrive, ou à la troisième, et qu’il trouve cet accueil, heureux sont-ils ! (v 38) La promesse d’un bonheur d’autant plus grand pour ceux qui – à l’instar des ouvriers de la onzième heure[7] qui ont patienté toute la journée pour être embauchés – espèrent, même jusqu’à la fin de leur âge, la venue du Seigneur dans leur existence. Bienheureux ceux qui espèrent jusqu’au bout !
Aujourd’hui, le Christ nous appelle à veiller pour accueillir sa venue dans nos existences. À discerner les signes de sa présence en nous, mais aussi dans nos frères, particulièrement les plus humbles. Être prêts pour le service de Dieu signifie s’engager à faire grandir le Royaume tout autour de nous. Et ainsi faire la volonté de Dieu, se recevoir de son amour pour le propager dans le monde. Jésus nous engage à garder la lampe de l’espérance allumée dans la prière, la foi et l’abandon à son amour. La patience doit guider notre démarche, mais aussi la persévérance dans la longue attente de sa venue. Bienheureux sommes-nous quand nous continuons d’espérer malgré tout, même à la deuxième ou la troisième veille de notre nuit !
[1] Lc 9, 51 – Le départ de Jésus vers Jérusalem.
[2] Lc 9,22.44 – Les deux annonces de la Passion.
[3] Lc 12,33-34 – Le trésor inaltérable.
[4] Ex 12,11 – Les rites de la Pâque.
[5] Mt 25,1-13 – Parabole des dix Vierges.
[6] Dans la parabole du serviteur qui n’a fait que son devoir (Lc 17,7-10), ce dernier ne reçoit pas de récompense et doit servir son maître à table après son travail.
[7] Mt 20,1-16 – Parabole des ouvriers de la onzième heure.