médiation pour le 10 novembre

Quelle reconnaissance pour le serviteur qui n’a fait que son devoir ? Aucune, semble suggérer l’évangile, se faisant l’écho de la réponse de la société de tous les temps et de toutes les cultures. En économie de marché, le travailleur ne mérite pas gratitude pour son devoir d’état, mais bien salaire et protection. Par contre, dans la dynamique de la gratuité dont se revendique Jésus, le serviteur reçoit sa récompense dans l’accomplissement fidèle de son service lui-même. Une gratification de la fonction.

Luc situe le récit de l’évangile dans l’enseignement de Jésus à ses disciples au cours de sa montée vers Jérusalem. Il les prépare aux situations auxquelles ils seront confrontés après sa mort et sa résurrection dans une sérié d’instructions sur des situations concrètes de vie en communauté, telles les occasions de chute, le pardon fraternel, la foi.

La leçon est sans équivoque : « Nous sommes des esclaves non indispensables : nous n’avons fait que notre devoir ».[1] Le mot utilisé doulos désigne un esclave, chargé des tâches qu’on lui ordonne, qui n’est pas destiné à prendre des initiatives et ne fait qu’exécuter, à l’inverse d’un autre serviteur, le diakonos, qui prend soin de son maître, qui le comprend et le rejoint dans sa volonté, pour lui fournir ce dont il a besoin au bon moment. Cependant, dans le contexte où le serviteur est quand même utile, l’expression semble forcée et s’applique aux disciples dans le sens où nul n’est indispensable au service du Seigneur.

Dieu lui-même détermine ce qui est nécessaire à son service, il fait le tri entre l’essentiel et l’accessoire. Il garde toujours l’initiative dans l’envoi de ses serviteurs dans leurs missions.[2] Et la qualité principale du serviteur est ainsi l’humilité. Être serviteur n’est pas un titre ou une distinction honorifique, c’est une condition à assumer, sans rien en réclamer, quelque chose de normal. Le service relève de l’économie du don, on ne peut tirer orgueil de cette condition ou en attendre une récompense.

Le modèle reste Jésus lui-même, qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être égal à Dieu. Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix.[3] Le service est don de soi par amour.

Le service est constitutif de la foi et de l’identité chrétiennes. La foi est bien plus que l’adhésion à des valeurs, elle est la rencontre et la reconnaissance du Christ qui se vit dans le quotidien de l’amour des autres. Le service du frère n’est pas une conséquence de la foi, il en fait partie, il en est l’attribut. Il est une priorité de la foi en tant qu’expression de l’amour de Dieu qui englobe tous les hommes et assure un traitement prioritaire pour les plus pauvres. Il n’est pas facultatif et personne ne peut s’en exonérer sous aucun prétexte, même les plus respectables.

Jésus nous engage aujourd’hui à adopter, dans notre vie quotidienne, dans nos relations aux autres, des attitudes de service et d’en imprégner notre vie spirituelle. Que tout ce que nous entreprenons soit marqué d’un vrai professionnalisme, sans orgueil, manipulation ou domination, avec le détachement de celui qui sait ne pas être indispensable. Alors nous serons des serviteurs du Dieu Très-Haut.


[1] Lc 17,10.

[2] Ainsi en est-il par exemple dans l’envoi des soixante-douze disciples devant Jésus en Lc 10,1-11.

[3] Ph 3,6-8.

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