méditation pour la fête de l’immaculée conception

L’Église catholique[1] professe que «  Dès le premier instant de sa vie, Marie a été préservée de tout péché par une grâce venant de la mort de son Fils. La conception immaculée de Marie est donc fondée sur sa maternité divine. Comme en son assomption, Marie est, en son immaculée conception, l’image anticipée de l’Église que Dieu a voulue sans tache, sans ride, mais sainte et immaculée. »[2]

Le fondement de cette foi repose dans sa maternité. Un Fils, le Christ Jésus, que l’apôtre Paul oppose, dans sa la lettre aux Romains[3] à Adam. Son développement oppose deux économies, celle du péché et celle de la grâce. Il veut moins établir un parallèle de similitude entre Adam et le Christ que de souligner l’opposition entre l’un et l’autre et montrer la supériorité du second sur le premier. Adam est présenté comme celui par qui s’est instauré le règne de la mort auquel le Christ a arraché l’humanité. Paul écrit par ailleurs que le premier homme Adam fut un être animal doué de vie, le dernier Adam est un être spirituel donnant la vie.[4]  Le Christ est donc celui qui introduit l’humanité dans une dynamique de vie.

Ce parallélisme entre Adam et le Christ laisse suggérer, par analogie, un autre parallélisme, entre Ève et Marie. Cette conviction que Marie est la nouvelle Ève émerge très vite dans la pensée des Pères de l’Église.[5] Marie est ainsi l’instrument de la restauration d’une nouvelle dynamique de vie. « Le nœud de la désobéissance a été dénoué par l’obéissance de Marie, ce que la vierge Ève lia par son incrédulité, la foi de la vierge Marie le dénoua. »[6] Ce qui constitue « le grand enseignement rudimentaire de l’antiquité chrétienne. »[7]

Le parallélisme entre Ève et Marie se nourrit également du protévangile du récit de la chute : Je mettrai l’hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance. Celle-ci te meurtrira la tête et toi tu la meurtriras au talon.[8] Dieu s’adresse au serpent qu’il vient de condamner de manger la poussière en signe de sa défaite. Il laisse entrevoir une lutte à mort et sans fin entre la descendance de la femme et celle du serpent, mais aussi une issue favorable pour l’humanité. La tradition chrétienne voit dans ce texte la victoire du Christ sur le Mal à la fin des temps.

Mais elle y décerne aussi l’accomplissement de la prophétie de l’Apocalypse sur le dragon et la femme.[9] Cette femme qui enfante et qui est mise à l’écart au désert symbolise l’Église. Et, dans sa fureur contre la femme, le dragon porta le combat contre le reste de sa descendance, ceux qui observent les commandements de Dieu et gardent le témoignage de Jésus.[10] La descendance de la femme, c’est d’abord le Messie, ensuite, ce sont les croyants. Marie, la nouvelle Ève, est alors figure emblématique de l’Église qui triomphe du Mal.

Allant plus loin, le récit de la faute se conclut dans l’espérance : L’homme appela sa femme du nom d’Ève – c’est-à-dire la Vivante – car c’est elle qui a été la mère de tous les vivants.[11] Le nom d’Ève est irrémédiablement associé à la vie. Et Marie, la nouvelle Eve, est promesse de vie pour tous les croyants. Marie et l’Église apparaissent ainsi comme mère des Vivants.

Le rapprochement entre Ève et Marie résulte enfin du rapport qu’entretient Jésus à sa mère dans l’évangile de Jean. Quand il s’adresse à Marie, il ne l’appelle jamais par son nom, mais la qualifie de « Femme ».  En plus de signifier que le temps des relations filiales est achevé, le terme renvoie ici encore aux récits de l’Apocalypse  et de la Genèse où la femme, mère du Messie, combat le dragon et est aussi assimilée à l’antique Ève dans sa lutte contre le serpent. D’où également l’intuition que le Christ, nouvel Adam et Marie, la nouvelle Ève, échappent à la loi universelle du péché.

En ce qui concerne Marie, l’idée peut se concevoir dans son rapport à l’Église. Parlant du Christ, Paul déclare en effet qu’il a voulu se la présenter à lui-même splendide, sans tache ni ride, ni aucun défaut, il a voulu son Église sainte et irréprochable.[12] L’apôtre représente la relation du Christ à son Église comme celle du mari à son épouse. Si Marie est figure l’Église, elle est alors l’épouse du Christ et revêtue de cette pureté des origines.

Pareille exception au péché originel ne pourrait que résulter d’une grâce débordante et sans limite. Une bénédiction que célèbre l’apôtre Paul : Béni soit Dieu le Père de notre Seigneur Jésus Christ : il nous a béni de toute bénédiction spirituelle dans les cieux en Christ. Il nous a choisis en lui avant la fondation du monde pour que nous soyons saints et irréprochables sous son regard dans l’amour.[13] Cette louange qui célèbre la grâce de Dieu opère une fusion remarquable entre la perspective biblique du « peuple de Dieu » et l’idée nouvelle de l’Église « Corps du Christ ». La grâce de sainteté revêt  tous les membres du Corps du Christ et Marie, membre éminent et icône de l’Église l’a reçue en plénitude.

Cette grâce vient se concrétiser dans l’annonce de l’archange Gabriel : L’ange entra auprès d’elle et lui dit : « Sois joyeuse toi qui as la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi. »[14]L’appel de Marie à la joie est beaucoup plus qu’une simple salutation, c’est une injonction à la Bonne Nouvelle de la joie, une annonce du salut qui est apporté. La faveur de Dieu se présente comme un nom qui est donné à Marie, elle devient en quelque sorte remplie de cette faveur, pleine de grâce. La promesse de la présence de Dieu auprès d’elle qui clôture l’annonce est caractéristique des récits de vocation. La vocation de Marie réside dans cette grâce qu’elle reçoit à profusion et qui est bonne nouvelle de l’annonce du salut.

La réponse de Marie est celle d’une foi sans faille : Je suis la servante du Seigneur ! Que tout se passe pour moi comme tu me l’as dit ![15] Servir Dieu relève tout autant de l’humilité que de l’abandon confiant en celui en qui elle peut compter, sur qui elle peut s’appuyer. Un engagement de vie qui ouvre tous les possibles du salut.

Marie reçoit la grâce du Seigneur et elle y consent. « Dans la mesure où les catholiques admettent que le fiat de Marie lors de l’Annonciation n’était possible que moyennant la grâce de Dieu, ils peuvent justement présenter l’Immaculée Conception comme l’expression radicale de cette grâce. »[16] Une grâce qui est promise à tous les croyants et dont Marie est le modèle général représentatif.


[1] Le terme est  ici pris dans son acception particulière d’Église Catholique Romaine, Roman Catholic Church dans sa dénomination anglo-saxonne.

[2] La Liturgie de Heures, Tome I, AELF, Paris, 1980, page 1292.

[3] Le Christ nouvel Adam, Rm 5, 12-21.

[4] I Co 15, 45-49.

[5] Dans une homélie africaine antique, chez Justin, Tertullien et Irénée, notamment.

[6] Irénée de Lyon (mort en 202), Contre les hérésies – A connu Polycarpe, lui-même disciple de Jean l’Evangéliste.

[7] Cardinal Newman, Lettre à Pusey.

[8] Récit de la chute, Gn 3, 15.

[9] Ap 12,13-16..

[10] Ap 12,17.

[11] Gn 3,20.

[12] Ep 5,27.

[13] Ep 1,3-4.

[14] Lc 1,28.

[15] Lc 1,30.

[16] Groupe œcuménique des Dombes, n°272.

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