
La mission apostolique auprès des nations païennes rencontre des difficultés mais remporte des succès. Et c’est dans la persévérance de la vie chrétienne que s’ouvre la porte de la foi. L’Evangile du Christ ressuscité progresse dans toutes les contrées au fil des voyages missionnaires de Paul et Barnabé.
Cette première mission[1] débute en Syrie, à Antioche, où Barnabé avait été envoyé par les apôtres[2]. Il s’était adjoint Paul, réfugié à Tarse après sa fuite de Jérusalem[3]. L’Eglise d’Antioche, la première en dehors de Jérusalem, et qui était composée de chrétiens circoncis et incirconcis, avait mis à part les deux hommes pour les envoyer[4]. Ils étaient partis par la mer de Séleucie, le port d’Antioche, pour évangéliser les provinces voisines.[5] Après une escale à Chypre, ils avaient rejoint le continent[6] pour parcourir la Pisidie, la Pamphilie et la Lycaonie. On les retrouve ici à Lystre, où ils entament le voyage retour.
Les missionnaires ont prospecté toutes les villes de la région, en procédant toujours de la même manière. Ils se rendent à la synagogue et y prêchent l’Evangile[7] de Jésus Christ, mort et ressuscité, aux fidèles juifs présents. Certains se convertissent. Quand ils ne sont pas écoutés des Juifs, ils se tournent vers les païens qui accueillent en nombre la Bonne Nouvelle du salut pour toutes les nations.[8]
Les rapports avec les Juifs sont parfois houleux ou violents. Ainsi Paul est pris à partie et subi la lapidation hors de la ville.[9] Il est sauvé par ses disciples, comme il l’avait déjà été à Damas, lors de sa première prédication.[10] Les missionnaires partent alors pour entamer le périple de retour vers l’Eglise d’Antioche qui les avait mandatés. Ils se rendent à Derbé où ils font de nombreux disciples.
Ils repassent par les villes qu’ils avaient visitées à l’aller, pour affermir les disciples qu’ils y avaient fait, tout en les prévenant des persécutions qu’ils risquent d’endurer. Ils les enjoignent de persévérer dans la foi, autrement dit de persévérer dans la vie chrétienne. Paul aura toute sa vie, dans ses lettres comme dans ces discours, ce souci et cette tendresse d’appeler à la persévérance les fidèles convertis, pour les consolider dans la foi et les préserver des erreurs qui pourraient les écarter de la vérité de l’Evangile.
Dans toutes les villes où ils ont établis des Eglises, ils désignent des Anciens. C’est la première fois en dehors de Jérusalem qu’apparaissent des anciens. Leur mode d’élection se fait par des prières accompagnées de jeûne.[11] Il est possible que les Eglises aient participé à leur choix, mais la décision finale revient aux apôtres et, de quelque manière, à l’Esprit Saint. Leur rôle est de poursuivre le travail entrepris dans les Eglises au service de l’Evangile. Une première hiérarchie apparaît ainsi dans les Eglises locales, où les anciens assureront la charge de gardiens responsables collectifs et de pasteurs de la communauté.[12] Un mode de gouvernement synodal est donc instauré dans les Eglises.
Les missionnaires embarquent à Attalia, le port de Pergé, pour rejoindre directement Antioche, où ils se fixeront pour un temps. A leur arrivée, ils font rapport de leur mission à l’Eglise qui les avait envoyés, et surtout de la manière dont les païens ont accueillis la foi. L’ouverture de l’Evangile aux païens, véritable porte de la foi est l’élément essentiel du résultat de leur mission. L’image de porte intervient exactement au milieu du livre des Actes des Apôtres. L’accès des nations à la foi[13] devient le thème majeur et l’élément charnière du récit. Désormais, il sera principalement question de Paul et de la manière dont il portera l’Evangile, selon sa vocation, jusqu’à Rome, capitale du monde païen.
La force du récit garde toute sa pertinence aujourd’hui dans un monde désorienté et en quête de sens. Paul et Barnabé restent des exemples pour notre mission de chrétiens. Nos vies et nos actions ne sont-elles pas souvent, à l’instar des deux missionnaires, faites de pérégrinations, de successions d’échecs et de succès, de rejets, d’hostilité et parfois de violence ? L’annonce de la Parole de Dieu est à cette image, et nous avons à nous attendre à pareilles déconvenues, mais aussi à de grandes joies. Rien n’est jamais acquis dans ce que nous pouvons entreprendre, et nous devons avoir toujours le souci de consolider ce que nous érigeons. Nous avons à cultiver la vertu de persévérance et rester ouverts à toutes les situations et rebondissements. Mais notre action doit aussi garder un certain systématisme et beaucoup de rigueur. Et par-dessus tout, nous devons entretenir notre foi en plaçant notre espérance dans l’Esprit saint, sans qui nous ne pouvons rien faire.
[1] Le premier voyage missionnaire dure de 45 à 49.
[2] Ac 11,22 : La fondation de l’Eglise d’Antioche.
[3] Ac 9,3O : Saul à Jérusalem. Paul s’était enfui parce que les Hellénistes cherchaient à le tuer.
[4] Ac 13,2-3 : L’envoi de Barnabé et Saul en mission.
[5] Ils avaient pris avec eux Jean-Marc, le futur évangéliste Marc, cousin de Barnabé. Ce dernier les quittera au cours du voyage aller, à Pergé, suite probablement à un différend, pour rejoindre Jérusalem, où il accompagnera Pierre.
[6] Dans l’actuelle Turquie.
[7] Il s’agit ici d’une annonce orale de ce qui est appelé le Kérygme (la mort et la résurrection du Christ pour le pardon des péchés). Les évangiles, tels que nous les connaissons n’existent pas encore à l’époque (il faudra attendre une dizaine d’années pour les premiers textes chrétiens, les épitres aux Thessaloniciens).
[8] Ac 13,48 : Paul et Barnabé se tournent vers les païens.
[9] La scène se déroule à Lystre. La lapidation était la peine encourue pour blasphème. Paul subit ainsi la même peine qu’Etienne, qu’il avait à l’époque approuvée (Ac 8,1).
[10] Ac 9,23-25 : Prédication de Paul à Damas.
[11] C’est déjà de cette manière que les Sept ont été institués (Ac 6,6). De même Barnabé et Paul ont été mandatés de la sorte par l’Eglise d’Antioche (Ac 13,3).
[12] Ce rôle sera précisé plus tard par Paul aux anciens d’Ephèse : Prenez soin de vous-mêmes et de tout le troupeau dont l’Esprit saint vous a établis les gardiens (épiscopes), soyez les bergers de l’Eglise de Dieu, qu’il s’est acquise par son propre sang (Ac 20,28). Pierre ne dira pas autre chose dans son exhortation aux Anciens : Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, en veillant (verbe episcopein) sur lui, non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu, non par cupidité, mais par dévouement (1 P 5,2). Le collège des Anciens remplit ainsi un rôle épiscopal et pastoral.
[13] Annoncé par Pierre à Césarée avec la conversion du centurion romain Corneille : Ce fut de la stupeur parmi les croyants circoncis qui avaient accompagné Pierre : ainsi, jusque sur les nations païennes, le don de l’Esprit saint était maintenant répandu (Ac 10,45).