
Merci à Alexis de nous partager si régulièrement ces méditations.
Fidélité et vérité, voilà les maîtres mots de la prière que Jésus adresse à son Père, la dernière avant sa mort. Que les disciples restent fidèles au nom qu’il leur a donné, tout comme lui les a gardés fidèles. Dans quelques heures, il remettra volontairement l’esprit[1], achevant ainsi sa mission. Il peut partir, ses disciples sont là pour poursuivre la tâche, faire connaître au monde l’amour du Père. L’heure est celle de la gloire du Christ. En donnant notre confiance au Fils, nous nous associons à lui dans sa communion avec le Père et nous participons au jaillissement de vie qu’est l’amour de Dieu.
Jésus centre son discours sur les disciples. Il n’en abandonne pas moins le thème de la gloire car les croyants, par leur fidélité, permettent au nom de Dieu – à Dieu lui-même – révélé par son Fils de continuer à être glorifié. En accueillant le Fils, qui manifeste le nom du Père, ils entrent en effet dans une telle communion avec lui qu’aucune entreprise des forces de ce monde ne pourra l’en séparer. Et cette communion entraîne l’unité dans l’amour mutuel. Jésus assure à ses disciples une protection qui va bien au-delà des événements de la Passion auxquels ils vont bientôt être confrontés, car il les sauvegarde dans les épreuves de la fin des temps qui risquent d’enfermer les pécheurs dans un état opposé à la vie véritable[2] à laquelle ils sont appelés.
Les disciples sont dans le monde, mais comme Jésus, ils n’en font pas partie. Le passage du Fils vers le Père ne menace en aucune manière la joie profonde qu’ils ont en eux dans l’accueil de la Parole de Dieu. En effet, l’Evangile est à jamais garant de la présence du Christ dans la communauté des croyants. Jésus envoie les disciples dans le monde à sa suite pour être en son sein la manifestation de ces temps derniers qu’il est venu annoncer. Cette tâche conduit nécessairement à l’affrontement de la puissance du mal et de la haine, que seule l’aide du Père permettra de surmonter. Cette hostilité n’est cependant pas tragique, elle se vit dans la joie, parce que Jésus donne aux siens l’assurance de la victoire.
Le Père Saint a envoyé son Fils, le Saint de Dieu[3]. Les disciples doivent ainsi recevoir, pour l’exercice de leur mission, la même sainteté qui les met à part[4] de ce monde où ils sont à la fois présents et étrangers. C’est par sa Parole qui est vérité[5] que Dieu consacre l’être humain. Ainsi, en accueillant la parole, les disciples sont consacrés pour leur mission, et ils sont envoyés pour porter cette Parole[6]. Ou encore, l’instrument de leur sanctification, c’est la vérité de Dieu qui se manifeste dans le Verbe incarné auquel ils adhèrent par la foi. Cette consécration les rend capables d’accomplir la mission dans le monde.
Jésus se consacre lui-même pour eux. Cette consécration, dans la mesure où elle engage la totalité de son être et de son agir, englobe l’oblation de la mort. Autrement dit, Jésus exprime la volonté d’offrir librement sa vie pour la consécration de ses disciples[7]. La sanctification des disciples se fonde finalement sur le sacrifice de la Croix et sur le don de l’Esprit par le Christ glorieux.
Jésus prie pour ses disciples, donc pour nous. Il demande au Père, pour eux, pour nous, une double fidélité : la fidélité à Dieu, à son amour, à sa volonté, et la fidélité à l’amour fraternel, à l’unité. Si le Christ en fait, avec insistance, l’objet de sa prière, c’est que cette double fidélité n’est pas acquise une fois pour toutes. C’est qu’elle est toujours en gestation, en butte au questionnement, au doute, à la crainte. N’ayons pas peur de partager nos angoisses, de dire nos difficultés, nos chutes. Et de prier ensemble. La prière de Jésus, la prière avec Jésus, nous remettra debout, nous rendra plus forts.
[1] Comme il l’avait lui-même annoncé (Jn 10,18).
[2] Comme Judas, dont le comportement tend en fait vers sa perdition.
[3] Seul Dieu est saint et la sainteté du Père fonde celle du Fils et des disciples : Car c’est moi le Seigneur votre Dieu ; vous vous sanctifierez donc pour être saints, car je suis saint (Lv 11,44).
[4] Mettre à part, consacrer, sanctifier sont des synonymes qui signifient être séparé du domaine profane pour être introduit dans la sphère divine. Seul Dieu peut le faire.
[5] Une prière juive dit d’ailleurs à ce propos : Purifie nos cœurs pour te servir dans la vérité. Toi ô Dieu, tu es vérité et ta parole est vérité et demeure pour toujours.
[6] C’est l’Esprit Saint qui les rendra capables du témoignage (Jn 20,21-23).
[7] Ce qui explique que cette prière de Jésus (Jn 17) est fréquemment appelée la prière sacerdotale (le mot signifie sacrifice), terme que Cyrille d’Alexandrie (vers 375-444) a utilisé pour la première fois.