
Voici la médiation d’Alexis pour ce dimanche.
Aujourd’hui, Jésus vient à domicile. Et c’est peut-être plus difficile pour nous de le reconnaître, car nous pensons le connaître. Une réalité qui est toujours présente dans notre actualité parce qu’il n’est pas aisé de dépasser le sentiment de proximité de quelqu’un que l’on côtoie pour découvrir en lui une autre personne que celle qui nous est familière, quelqu’un d’autre, de neuf, avec des capacités qui transcendent celles du milieu dans lequel nous évoluons. Jalousie envers celui qui a réussi, sans doute, mais surtout incompréhension de ce qui nous échappe. Mais appliquée à Jésus, la formule nous oblige à interroger notre foi et nos dispositions à accueillir la nouveauté qu’il incarne.
L’incrédulité que rencontre Jésus dans la ville de son enfance contraste avec l’accueil enthousiaste des foules qu’il rassemble[1] et la foi qu’il suscite chez ceux qu’il guérit.[2] Des gens qui n’ont pas la suffisance des habitants de Nazareth, mais qui, au contraire, font preuve de cette confiance, de cet abandon et de cette humilité propre à ceux qui ont conscience de leurs manques et de leurs faiblesses. C’est précisément la foi qu’ils ont développée et manifestée qui a rendu possible la transformation de leur vie et leur guérison.
L’épisode à Nazareth renoue avec la rencontre de Jésus avec sa famille, où il fait l’objet d’accusations malveillantes et est rejeté tant par les siens que par les autorités de Jérusalem,[3] et où il manifeste aux disciples quelque chose de son mystère caché. Dans sa patrie non plus, il n’est pas regardé avec bienveillance par ceux qui sont étonnés de son enseignement à la synagogue.[4] Ses auditeurs ne saisissent pas les actes qu’il opère, s’interrogent sur l’origine de sa réputation, de la sagesse dont il fait preuve. Et leur incompréhension les entraîne à se scandaliser des attitudes qu’ils lui attribuent. Jésus devient pour eux la pierre d’achoppement contre laquelle ils se butent.[5]
Ses compatriotes sont incapables de voir en lui autre chose que ce qu’ils connaissent de lui pour l’avoir fréquenté dans les occupations quotidiennes et pour côtoyer sa famille. Un métier,[6] une fiche d’identité. Mais est-ce bien cela connaître une personne ? Ceux qui croient le connaître parce qu’ils le situent dans un cadre familier paraissent incapables de recevoir la nouveauté de sa parole, de se laisser toucher, de deviner son mystère.
En fin psychologue qui tire les conclusions que confirme l’expérience,[7] Jésus constate l’impossibilité de progresser avec les habitants de Nazareth dans la découverte de la foi. Son incapacité à réaliser des miracles est liée au manque de foi. Les guérisons qu’il opère ne résultent pas d’un lien psychosomatique comme si la confiance du malade conditionnait le succès de la cure. Les miracles ne trouvent leur sens et leur explication que dans la foi. Hors de ce contexte, ils sont déniés de toute signification. Et si la foi provient de Dieu, elle ne peut s’épanouir sans l’acceptation de l’être humain. Dieu respecte toujours la liberté de sa créature, mais il est attristé et déçu par le rejet des incrédules.[8] Dieu peut tout pour l’homme, mais il ne peut rien sans lui. Sans aveu de ses impuissances, de ses défaillances, de sa fragilité, l’humanité met en échec la puissance de Dieu. Et la relation ne peut s’établir entre deux pôles si l’un d’entre eux refuse.
Nous aussi sommes à Nazareth. Nous connaissons bien Jésus, il est des nôtres. Pouvons-nous encore nous laisser surprendre par sa Parole ? Surtout s’il nous interpelle par une remarque d’un familier, par une réaction du voisinage ou par la question d’un enfant. Si nous sommes à son écoute, tout devient alors parole de ce Dieu qui nous rejoint à domicile.
[1] Tout au bord du lac de Tibériade, où la multitude l’oblige à enseigner depuis une barque (Mc 3,7-12), ainsi qu’en pays païen, en Décapole, où il guérit un démoniaque (Mc 5,1-20).
[2] Le récit de la guérison d’une femme hémorroïsse et de la résurrection de la fille de Jaïre précède immédiatement (Mc 5,21-43) la déconvenue de Jésus à Nazareth.
[3] Sa mère et ses frères voulaient s’emparer de lui, pensant qu’il avait perdu la tête, tandis que les scribes l’accusaient d’être le chef des démons (Mc 3,20-35).
[4] Il est coutume, pendant le service du shabbat à la synagogue, de demander aux hôtes éminents de passage, de lire et de commenter un passage biblique.
[5] Il est dit qu’ils étaient scandalisés par lui. Selon la Bible, le scandale n’est pas un mauvais exemple ou un fait révoltant, mais étymologiquement un obstacle, un piège, une pierre d’achoppement qui fait tomber.
[6] Certaines traditions traduisent le fils du charpentier et de Marie. Il est étonnant, dans un contexte sémite, que le nom du père ne soit pas mentionné. Peut-être l’évangéliste a-t-il voulu souligner que c’est Dieu le père de Jésus.
[7] Sa sentence résonne comme un dicton : Nul n’est prophète en son pays.
[8] Comme Jésus, qui s’étonnait de ce qu’ils ne croyaient pas.
De cette méditation, quelques mots m’aident, après le décès de mon mari.
Tu dis:
« Il n’est pas aisé de dépasser le sentiment de proximité de quelqu’un que l’on côtoie pour découvrir en lui une autre personne que celle qui nous est familière, quelqu’un d’autre, de neuf, avec des capacités qui transcendent celles du milieu dans lequel nous évoluons. »
Merci Alexis : Françoise Sadzot.
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