méditation de ce 127 juillet

merci à Alexis de nous partager comme d’habitude sa méditation du mardi

Étrange et subtil découpage du texte de l’Exode qui ne fait pas allusion aux rapports pour le moins tendus entre le peuple et son Dieu,[1] pour ne laisser apparaître que la relation privilégiée de Moïse au Seigneur dans un renouvellement d’Alliance.

Seul détail qui laisse soupçonner le conflit : la Tente de la Rencontre[2] est en dehors du camp, alors que, selon la tradition sacerdotale, elle est dressée à l’intérieur.[3] Peut-être parce que le camp est souillé par le péché du peuple ? Quel sens alors à la tente de la rencontre sinon qu’il faut sortir pour rencontrer Dieu ? Sortir de son péché, de sa zone de confort pour risquer une rencontre avec l’inattendu.

La situation est celle d’une rupture d’Alliance.[4] Dieu renouvelle sa confiance à Moïse à qui il promet de donner à sa descendance le pays ruisselant de lait et de miel. Il ordonne le départ mais est résolu à exterminer en chemin ce peuple à la nuque raide. L’épisode est traversé par une double inquiétude : comment Dieu va-t-il accompagner le peuple ? – et le peuple devenu pécheur doit il désespérer de la présence de Dieu en son sein ? Le processus de renouvellement de l’Alliance est complexe, il faut toute la diplomatie et la perspicacité de Moïse pour emporter la miséricorde de Dieu.

La tente est déployée pour lui, dit littéralement le texte. Ce lui reste mystérieux, puisqu’il désigne à la fois Dieu, Moïse ou l’Arche.[5] C’est par essence le lieu de la rencontre où Dieu parle faces à faces[6] avec Moïse, un lieu d’intimité donc, et réservé au serviteur du Seigneur.[7] Le peuple est exclu, mais peut sortir du camp pour aller vers la tente. La colonne de nuée, symbole de la présence de Dieu, signale les entretiens de Dieu et Moïse. Le peuple se prosterne alors, autrement dit il adore Dieu, mais dans ce cas, il le fait en terrain profane, hors de l’espace sacré de la tente. Une situation complexe et ambigüe, qui reflète bien l’état d’éloignement du peuple de son Dieu que cependant il vénère. C’est pourtant aussi l’état de notre humanité en recherche de sens, mais souvent tentée par de faux semblants.

Le plaidoyer de Moïse pour son peuple l’entraîne sur la montagne du Sinaï, où Dieu se tient avec lui. Et il proclama le nom de YHWH. Qui proclame, Dieu ou Moïse ? Ce n’est pas clair, mais la transcendance est reconnue par les deux partenaires d’une alliance renouvelée. Dieu se manifeste à Moïse[8] pour montrer sa miséricorde et affirmer sa fidélité et sa loyauté dans son engagement. Sa bienveillance ne se démentira pas, pas plus que sa patience devant les révoltes et les manquements de l’humanité.

Le Dieu qui renouvelle l’Alliance avec son peuple ne tient pas rancune des échecs passés. Sans pour autant innocenter, il ne tient compte des fautes et des manques que sur une durée limitée à celle de la mémoire humaine.[9] Un temps sans aucune mesure avec celui de sa générosité et de son amour, dont l’étendue est sans limite.[10] Ainsi, Dieu ne punit[11] pas les enfants pour l’iniquité des pères, mais il visite la faute, inspecte sa répercussion sur les générations pour qu’elle n’entache pas l’avenir des familles, n’enfle pas jusqu’à la légende.[12] En d’autres termes, Dieu cherche à réguler les conflits humains, il joue un rôle de révélateur des dysfonctionnements.

Cette déclaration d’intentions constitue la base du renouvellement d’Alliance que Dieu conclut alors avec Moïse sur le Sinaï. À la différence de l’Alliance primitive, le peuple n’est pas convié sur la montagne où seul Moïse est éprouvé[13] par Dieu pour transcrire seul les nouvelles tables de l’Alliance.[14]

Dieu renouvelle son Alliance tout au cours de l’histoire sainte de l’humanité. Malgré les trahisons, les errements, les fautes de son peuple, il reste fidèle, se montre miséricordieux. Jamais il ne se laisse emporter par la colère, mais toujours réajuste sa relation à une humanité pécheresse. Aujourd’hui, dans ces temps qui sont les derniers, il renouvelle sa Nouvelle Alliance dans le sang de son Fils. Il s’est fait chair et a offert sa vie en sacrifice pour le salut de tous. Il apporte l’amour du Père.


[1] La trahison du peuple qui renoue à des pratiques idolâtriques dans l’épisode du Veau d’Or.

[2] La tente de la rencontre abrite l’arche et la personne divine à chacune des étapes de l’Exode.

[3] Les fils d’Israël camperont chacun dans son groupe d’armées, sous les enseignes de sa tribu ; ils camperont autour de la tente de la rencontre, à une certaine distance (Nb 2,2).

[4] L’alliance conclue au Sinaï, le don du Décalogue (Ex 20) et le Code de l’Alliance.

[5] Le mot arche est masculin en hébreu.

[6] Le mot faces est un pluriel en hébreu.

[7] Et à Josué, auxiliaire et successeur de Moïse, qui ne quitte pas la tente.

[8] De la même manière qu’il l’a fait à la conclusion de l’Alliance qui a été trahie par le peuple et en réponse à la promesse qu’il a faite à Moïse de se montrer à lui de dos (Ex 33,19-23).

[9] Au-delà de trois ou quatre générations, le souvenir d’un événement perd sa consistance réelle et devient légendaire. Il ne devrait plus mettre en cause le concret des personnes.

[10] Mille générations symbolisent une durée infinie. Et font songer à ce que de mémoire de rose, jamais on n’a vu mourir un jardinier (Fontenelle).

[11] Le verbe hébreu paqar signifie visiter, avoir l’œil sur quelqu’un, avoir l’inspection, considérer, rechercher, se souvenir de quelque chose. Les traductions punir (Bible liturgique, Bible Segond) et châtier (Bible de Jérusalem) sont des significations dérivées. Le sens premier est mieux rendu par visiter (Bible Darby) ou poursuivre (Traduction Œcuménique de la Bible).

[12] Un peu à l’image de ces vendettas familiales, où plus personne n’a mémoire de la cause réelle du conflit.

[13] La durée de quarante jours est une durée initiatique (comme les quarante ans du peuple au désert ou les quarante jours de tentation de Jésus au désert). Le jeûne accentue cette épreuve qui marque le corps aussi bien que l’esprit.

[14] Moïse avait brisé les tables précédentes au pied de la montagne lorsqu’il avait constaté la trahison du peuple (Ex 32,19). À l’inverse des tables primitives, gravées de la main de Dieu, celles-ci sont écrites par Moïse.

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