
La dédicace du Temple de Jérusalem par le roi Salomon en appelle à la bienveillance de Dieu pour son peuple. Mais surtout, au-delà de la sauvegarde d’une alliance et d’une protection, elle met en évidence que la demeure de Dieu parmi les hommes ne se limite pas à un édifice, aussi luxueux et imposant soit-il,[1] mais que la présence du Seigneur s’étend partout, dans tout l’univers.
Depuis sa révélation à Moïse, le Dieu d’Israël a toujours été au milieu de son peuple. Dès la sortie de la servitude en Egypte, il l’a accompagné dans ses pérégrinations, colonne de feu et nuée protectrice.[2] Après le don des tables de la Loi, l’arche d’Alliance a cheminé avec le peuple nomade dans son Exode au désert. A chaque étape, la Tente de la Rencontre était dressée dans le camp pour recevoir l’arche et la présence de Dieu. Ce n’est que bien plus tard, avec la sédentarisation du peuple et la conquête de Jérusalem a songé, après avoir fait entrer l’arche dans la ville, d’y ériger un sanctuaire en dur pour son Dieu. Il en a été dissuadé par une prophétie de Natan,[3] réservant la construction à son successeur.
Salomon, fils de David,[4] s’est ainsi attelé à la tâche de l’édification du Temple et d’y faire transférer l’arche d’Alliance.[5] La consécration est une célébration solennelle, qui inaugure le lieu cultuel principal, sinon unique,[6] du judaïsme. Toute la vie rituelle, avec son cortège de sacrifices d’animaux divers[7] et la présence d’une caste sacerdotale nombreuse, s’y concentrera désormais. Ce ne sera finalement qu’avec l’Exil à Babylone, et beaucoup plus tard avec la destruction du Temple d’Hérode par les Romains, que germera l’idée de rites plus spirituels et que le culte des Synagogues s’imposera pour devenir la figure du judaïsme actuel.
Salomon officie ici devant l’autel pour consacrer le Temple. Il agit ainsi comme prêtre, en tant que réel intermédiaire de Dieu auprès du peuple.[8] S’adressant au Seigneur au nom du peuple, il fait appel à son Alliance et à sa fidélité. Cette bienveillance de Dieu dans son alliance est un des articles fondamentaux de la foi d’Israël.[9] Une promesse de solidarité sans faille du Seigneur à son peuple. Salomon admire cette bienveillance d’un Dieu qui, dans sa grâce, se limite pour demeurer au milieu des siens, lui que l’univers entier ne peut contenir. Un Dieu qui, pour mieux rester avec les hommes, finira par s’incarner et planter sa tente parmi eux.[10]
La prière et la supplication de Salomon invitent le Seigneur à se tourner vers le lieu de culte proprement dit, mais reconnaissent explicitement que la présence de Dieu ne peut se limiter au Temple. Son nom[11] est partout et en tout temps. En tout lieu, il entend la prière de son serviteur qui s’adresse à lui et lui accorde son pardon.
Aujourd’hui, le Seigneur est dans nos Eglises, où il regarde avec bienveillance les cultes que nous lui rendons. C’est la partie communautaire, si importante et parfois délaissée, de notre foi. Au peuple rassemblé en son nom, il propose son alliance et sa fidélité. Mais Dieu est aussi au dehors de nos Eglises, de nos cénacles privilégiés. Il a pris chair d’homme et il est de nos rencontres, en particulier avec les plus petits, les démunis, les exclus. Il recherche notre humanité à la croisée de ses chemins de doute, de manque, de souffrance, de pauvreté. Avec le Christ, Dieu établit sa demeure chez les hommes, il a habité parmi nous. Désormais, le Temple du Dieu vivant est dans le cœur de tous les croyants.
[1] De longues descriptions figurent ainsi la construction du Temple (1 R 6,1-37), ou encore la fabrication des éléments en métal destinés à l’orner (1 R 7,13-52).
[2] Le passage de la mer des Joncs (Ex 14,25).
[3] Prophétie de Natan et promesse de fidélité à la descendance du roi David (2 S 7,1-17).
[4] Salomon était le deuxième fils que David avait eu de Bethsabée, femme d’Ourias le Hittite.
[5] L’emplacement de l’arche était dans le saint des Saints (1 R 8,1-13).
[6]Un Temple concurrent subsistera à Samarie, dans le royaume du Nord, après la scission du royaume de Salomon.
[7] Tout un espace était réservé à la réception et l’entreposage du bétail destiné aux sacrifices et donnait du Temple l’image d’un immense abattoir.
[8] Avant l’Exil à Babylone, les rois n’étaient pas uniquement des chefs militaires et politiques, mais officiaient occasionnellement comme prêtres. Une séparation entre la royauté et le sacerdoce n’interviendra que plus tard (Ez 4(-46).
[9] Tu reconnaîtras que c’est le Seigneur ton Dieu qui est Dieu, le Dieu vrai ; il garde son alliance et sa fidélité durant mille générations à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements (Dt 7,9).
[10] Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père (Jn 1,14).
[11] Le texte associe lieu et nom, deux termes qui sont usuellement utilisés en hébreu pour désigner Le Seigneur, dont on ne peut prononcer le nom, en révérence à sa transcendance.