meditation pour le 15eme dimanche ordinaire

Voici la méditation dominicale d’ Alexis.

La question du prochain traverse les Ecritures. Impossible de vivre de la vie de Dieu sans aimer l’être humain. L’amour du prochain s’inscrit au cœur de la foi : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.[1] On s’interroge alors : Et qui est mon prochain ? Les membres de leur peuple, comme le pensaient les Juifs, ou aussi les païens ? Difficile d’aimer qui n’est pas semblable à soi, ne partage pas sa culture.

Jésus rétorque au légiste qui l’interroge sur la vie éternelle pour l’éprouver en le renvoyant aux Ecritures. Par une parabole,[2] il déplace le sens de la question.[3] Il s’agit pour lui d’être le prochain de quelqu’un, et singulièrement des plus petits, des meurtris. Ainsi, il nous révèle quelque chose de Dieu et de nous.[4] Et nous permet de nous déterminer face à ceux que nous rencontrons, tels les blessés de la vie.

De l’homme attaqué par des bandits, la parabole dit peu de choses, juste qu’il descendait de Jérusalem à Jéricho[5] et qu’il est laissé à moitié mort. Il reste muet, ne demande rien. Très souvent, les personnes blessées par la vie restent sans demande explicite. Que faire devant celui qui ne se manifeste pas ? Aborder quelqu’un dans ces circonstances exige des qualités de cœur, pour ne pas en rajouter à sa souffrance : humilité, respect, empathie, écoute, effacement, vérité.

Le prêtre comme le lévite voient l’homme et passent à bonne distance sans s’attarder. On passe souvent à bonne distance des gens, pour de bonnes et multiples raisons. On peut imaginer que celles des deux ministres du culte sont excellentes, peut-être des motifs de pureté rituelle, tout contact avec la mort les rendant inaptes pour un temps à l’exercice de leur fonction.[6] Des motivations puissantes, qui mettent en cause leur relation à Dieu. La parabole leur donne cependant tort. La miséricorde doit l’emporter sur l’impératif de pureté et justifie de transgresser la norme. Il ne faut pas craindre d’agir sans tarder.

Seul le samaritain vient au secours de l’homme blessé, panse ses plaies et le confie à l’aubergiste jusqu’à son retour. Dans une lecture allégorique, il est souvent identifié au Christ.[7] Il est alors l’exemple du bon comportement à imiter, en contraste de l’attitude des personnages précédents. L’expression «faire le bon samaritain» est devenue proverbiale pour signifier être secourable, charitable. Une attitude avec une connotation accentuée de morale du devoir – mettre du baume, prendre soin. Une intention fort louable, mais qui a ses limites, la personne objet de pareille sollicitude est cantonnée à un rôle passif de victime. On se situe alors dans une relation de victime à sauveur, qui est souvent ambigüe.

Une autre lecture de la parabole est possible. Les samaritains et les juifs se considéraient comme des ennemis jurés. Le samaritain, en prenant soin de l’homme blessé, dépasse sa préférence ethnique et est traître à son propre peuple en s’occupant d’un ennemi. Une option radicale qu’il prend librement et en pleine connaissance de cause. La question du prochain n’est plus alors l’expression d’un devoir, mais d’un don librement offert, d’un choix qui permet de s’affranchir des catégories imposées par la morale. La relation avec celui qui est blessé s’en trouve transformée en un rapport fraternel, égalitaire entre personnes, et non plus un assistanat. Il n’y a plus ni sauveur ni victime, mais un lien de gratuité.

Jésus nous interpelle sur nos relations à notre prochain. Il met en garde contre les équivoques pour ne pas enfermer l’autre dans un rôle passif, de dépendance ou de subordination, mais pour établir avec lui des rapports d’égalité. Il nous appelle à devenir nous-mêmes le prochain d’autrui et de le regarder avec la même bienveillance que Dieu.


[1] Le précepte est à l’épicentre des cinq livres de la Loi, dans le Lévitique : Ne te venge pas et ne sois pas rancunier à l’égard des fils de ton peuple : c’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lv 19,18).

[2] La parabole du Bon Samaritain est propre à l’évangile de Luc.

[3] Jésus utilise la technique rabbinique éprouvée de répondre à une question par une autre question.

[4] L’interprétation d’une parabole réside dans l’analyse du jeu des acteurs entre eux sans s’identifier à aucun d’entre eux, mais en examinant ce que leurs attitudes disent de notre humanité et de Dieu.

[5] La route, en forte déclivité, – Jérusalem est en hauteur – est longue d’environ 25 km et était infestée de bandits.

[6] Ils ne peuvent entrer en contact avec le sang, ni toucher un cadavre. C’est d’ailleurs une raison pour laquelle, dans la tradition juive, on pose des pierres sur les tombes pour ainsi signaler leur existence aux Lévites.

[7] Contrairement à la parabole, l’interprétation allégorique se joue dans une identification des acteurs à d’autres personnalités, comme Dieu ou soi-même. Les Pères de l’Eglise, pétris de culture grecque, pratiquaient cette exégèse allégorique. En l’occurrence, le prêtre et le lévite servent de repoussoir au samaritain, identifié au Christ.

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